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SWAPS nº 4

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L'ecstasy : mythe et réalité

L'éducation anglaise

par André Bénézech

Dans sa première livraison, Swaps consacrait un article à l'activité du groupe d'auto-support Techno-plus. Celui-ci y décrivait ses interventions lors des raves et donnait quelques éléments sur les problèmes rencontrés lors de la consommation d'ecstasy. La VIIIe Conférence sur la réduction des risques liés à la drogue et la 28e rencontre du Crips nous offrent l'opportunité de revenir plus longuement sur le sujet, et notamment sur le thème controversé de la dangerosité de l'ecstasy pour la santé.

La consommation d'ecstasy est un phénomène, relativement récent en Europe, qui semble avoir surpris les intervenants spécialisés dans le traitement des toxicomanies. Ce n'est qu'au début des années 90 que des programmes de prévention ont commencé à voi rle jour dans les pays anglo-saxons.

Parmi les sept communications de la session (1) consacrée à ce thème lors de la VIIIe Conférence, quatre ont été le fait d'équipes de recherche et d'associations britanniques. Il semble, en effet, que la consommation en Grande-Bretagne soit à la fois la plus ancienne et la plus étendue d'Europe : un jeune sur trois (tranche d'âge 16-25 ans) en a consommé au moins une fois. Chaque week-end, un demi-million de jeunes environ dansent au rythme de la musique techno dans les raves parties organisées à travers le pays. Si tous ces ravers ne sont pas forcément des consommateurs d'ecstasy, les liens entre la techno et l'ecstasy ne sont plus à démontrer. Marina Barnard, dans son enquête sur un échantillon de 2143 étudiants, a mis en évidence la dilection des amateurs de techno pour les drogues licites et illicites par rapport aux consommateurs d'autres types de musique.

Pionniers dans la consommation de cette substance, les Britanniques le sont aussi en matière de programmes ad hoc de réduction de risques en direction des consommateurs d'ecstasy. Musique techno et effets visuels à l'appui, Crew 2000 a fait une présentation originale. Ce groupe d'autosupport semi-professionnel basé à Edimbourg a mis en pratique un véritable kaléidoscope d'idées novatrices en direction des habitués des raves : information, assistance médicale, secouristes formés, analyse des produits et diffusion des résultats, dialogue avec les patrons de boites de nuit, les forces de police et les organisateurs de raves. Les actions menées auprès de ces derniers sont particulièrement importantes dans la mesure où elles permettent la prise en compte, lors du déroulement des fêtes, des précautions nécessaires, notamment celles relatives à la ventilation des salles de danse. Le manque d'air frais s'est, en effet, avéré la cause principale de décès généralement attribué à l'ecstasy.

En séance plénière d'ouverture, le professeur Charles S. Grob, psychiatre au Harbor UCLA medical center, a présenté des travaux de son équipe visant à évaluer les effets du MDMA (2) sur l'être humain. Depuis son interdiction en 1985, c'est la première fois que la Food and Drug Administration et la Drug Enforcement Administration autorisent un protocole de recherche in vivo concernant cette substance. Evoquant la trentaine de cas de décès attribués ces cinq dernières années à l'ecstasy, notamment en Grande-Bretagne (3), le professeur Grob souligne que ces décès sont dus moins à l'ecstasy en tant que substance qu'aux conditions dans lesquelles celle-ci est consommée. La déshydratation consécutive à une hyperthermie, cause principale de ces décès, a été engendrée dans la majorité de cas par les quatre facteurs suivants :

- la mauvaise ventilation des lieux de danse associée à un manque d'eau courante. Pour forcer les danseurs à consommer, certains gérants avaient la mauvaise habitude de couper l'eau courante dans les lieux communs et de la vendre uniquement au comptoir ;
- la consommation simultanée d'autres drogues - notamment de l'alcool ;
- les produits de coupage, car il semble qu'il y ait de moins en moins de MDMA pur vendu sur le marché illégal. Certain de ces produits de coupage sont extrêmement toxiques et leurs effets sont inconnus du consommateur ;
- une prédisposition physique et psychique chez certains individus.

Pour ce qui relève de la neurotoxicité du MDMA, le professeur Grob a présenté les résultats préliminaires, à confirmer, d'une expérimentation in vivo au cours de laquelle deux groupes de candidats ont absorbé, en double aveugle, qui des doses variables de MDMA qui des placebos (groupe témoin). Il apparaît que le MDMA serait dépourvu d'effets neurotoxiques majeurs sur le cerveau. En tout cas, pas plus que bon nombre de médicaments psychotropes couramment utilisés. En conclusion, le professeur Grob a rappelé le vieil, mais toujours valide, adage pharmacologique selon lequel pour une substance donnée " c'est le dosage qui trace la frontière entre ce qui guérit (médicament) et ce qui tue (poison) ".


(1) Usage récréatif de drogues, culture populaire.

(2) MDMA ou methylènedioxyméthamphétamine, psychédélique de synthèse apparenté à la famille des amphétamines est classé en France parmi les stupéfiants.

(3) Le docteur Christian Sueur de Médecins du Monde a fait un état des lieux de la consommation d'ecstasy en France. Se référant à une source fiable - l'association Techno Plus-, il estime que le nombre d'adeptes plus ou moins réguliers des raves se situe entre 10 000 et 50 000 personnes. 5000 d'entre eux s'y rendraient presque chaque week-end. Au total, on estime que près d'un million de personnes ont goûté à l'ecstasy en France. Il constate aussi que le risque létal reste extrêmement limité : " Dans les quelques recensements qui existent, sur des centaines de milliers d'utilisateurs, il n'y a que quelques décès, bien moins que dans la plupart des activités de loisirs sportifs par exemple. "