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n°137 - juillet 08
Jacques Gilquin
Service des maladies infectieuses, Hôpital Saint-Joseph
(Paris)
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Sensitivity of IFN-g release assay to
detect latent tuberculosis infection is retained in
HIV-infected patients but dependent on HIV/AIDS
progression |
Cette étude menée à Dakar montre l'intérêt d'un test Elispot de production d'interféron-gamma (IFN-g) pour le dépistage de la tuberculose latente au cours de l'infection VIH, nettement supérieur à l'intradermoréaction. Mais avec un taux de faux négatifs encore trop important.
La détection et la chimioprophylaxie de la tuberculose latente sont recommandées dans les pays ayant une forte prévalence dinfection VIH pour diminuer la morbidité et la mortalité liées à cette infection, mais le diagnostic est plus difficile du fait de lanergie des lymphocytes T.
Lenjeu du dépistage de la tuberculose est important car le déficit immunitaire lié à linfection VIH favorise le passage de la tuberculose latente à la tuberculose active, qui elle-même favorise la progression de linfection VIH.
Pendant longtemps, le seul test disponible a été la réaction cutanée à linjection de tuberculine mise au point par Charles Mantoux en 1907. Les tests sanguins de production dIFN-gamma en réponse à des antigènes dune région de différence 1 (RD1) du génome de Mycobacterium tuberculosis choisie pour sa spécificité despèce apparaissent très prometteurs, avec une très bonne spécificité > 95% daprès une méta-analyse de 58 études publiées évaluables1.
Ce sont des tests qui détectent la libération dIFN-gamma des lymphocytes T sanguins après incubation avec un mélange de peptides synthétiques représentant des protéines de M. tuberculosis : ESAT-6 (early secretory antigenic target-6), CFP-10 (culture filtrate protein-10), TB7.7. Le nombre dantigènes utilisés augmente en théorie la spécificité des tests.
Ces protéines ne sont pas présentes dans la souche vaccinale du BCG et dans la majorité des mycobactéries non tuberculeuses, à lexception de M. kansasii, M. szulgai, et M. marinum.
Ils sont de ce fait beaucoup plus spécifiques que le test tuberculinique chez les personnes vaccinées par le BCG. Aucun test ne permet actuellement de distinguer une tuberculose active dune infection latente.
La discordance entre le test tuberculinique et ces tests sanguins au cours des études disponibles est fréquente, en partie expliquée par la définition variable des seuils retenus de positivité.
Beaucoup reste cependant à faire pour définir les standards de référence de ces réactions. Leur performance est encore mal connue chez les enfants, les personnes âgées, les personnes immunodéprimées et notamment les personnes infectées par le VIH.
Un autre problème lié à ces tests est la proportion non négligeable de résultats indéterminés dus à labsence de stimulation par la phytohémagglutinine (PHA), mitogène servant de témoin positif.
Les deux tests ayant une licence de commercialisation sont le QuantiFERON®-TB Gold (QFT-G, Cellestis GmbH, Europe) et le T-SPOT.TB® (Oxford Immunotec, Oxford, Royaume-Uni). Le premier utilise une méthode Elisa pour détecter sur le sang total la libération dIFN-gamma par les lymphocytes T, le second la technique de lElispot pour énumérer les cellules libérant lIFN-gamma parmi les cellules mononucléées isolées du sang total après stimulation par des antigènes mycobactériens (ESAT6/CFP10 [EC] dans les 2 tests et TB7.7 pour le QFT-G). Ces tests comportent un témoin négatif et un témoin positif (PHA).
Les auteurs de cette étude effectuée à Dakar ont comparé un test maison Elispot à base dantigènes (EC) au test tuberculinique dans le dépistage de la tuberculose latente chez des adultes infectés par le VIH dans une zone dendémie forte de tuberculose.
Létude a inclus tous les nouveaux patients âgés de plus de 18 ans ayant un diagnostic dinfection VIH depuis moins de 3 mois. Aucun navait donc au moment de létude reçu un traitement ART.
Les critères dinclusion visaient à éliminer tous les cas de tuberculose active :
- exclusion des patients ayant eu une tuberculose active dans les 12 derniers mois ;
- exclusion des patients ayant des signes cliniques, radiologiques ou mycobactériologiques compatibles avec une tuberculose active ;
- indice de Karnofsky >= 80% ;
- radiographie pulmonaire systématique.
Les critères dinclusion comportaient également labsence de chimioprophylaxie de la tuberculose dans les 6 derniers mois.
285 personnes (170 femmes, 115 hommes) de 37 ans dâge moyen (30-44) ont été incluses dans létude : 61% de catégorie B de la classification des CDC ; 74,4% de stades I et II de la classification OMS. La médiane des CD4 était basse : 179,5/mm3 (2-1153). Une cicatrice de BCG était présente dans 72,6% des cas.
38 personnes (13,3%) nayant pas de réponse à la stimulation par la PHA ont été exclues de lanalyse. Chez les 247 personnes restantes, la réponse à la PHA ne dépendait pas du nombre des CD4 (p = 0,51).
Les Elispot EC étaient positifs dans 50,6% alors que seulement 21,5% des tests tuberculiniques étaient positifs ; 34% avaient un Elispot EC positif et un test tuberculinique négatif ; seulement 12 personnes (4,9%) avaient un Elispot EC négatif avec un test tuberculinique positif. La concordance entre ces deux tests de dépistage a été retrouvée dans 61,1% (kappa = 0,23).
La proportion des Elispot EC positifs est supérieure à la proportion de tests tuberculiniques positifs, quelles que soient les strates de CD4 (>= 350, 349-200, 199-50, <50).
La proportion des Elispot EC positifs diminue avec la baisse du nombre des CD4 (p proche de 0,001), mais reste nettement supérieure à la proportion de tests tuberculiniques positifs.
Le pourcentage dElispot EC positifs est en moyenne < 40% en dessous de 50 CD4/ml.
Lanalyse multivariée montre une relation entre la positivité des tests Elispot EC et lâge, le nombre des CD4, linfection par le VIH-1. Il ny a pas de corrélation en revanche avec la catégorie de la classification CDC.
Lanalyse de la sensibilité diagnostique de lElispot EC doit tenir compte de la proportion non négligeable de patients anergiques à la PHA (13,3%). Cette proportion semble en fait peu différente de celle observée en test de routine dans la population générale, mais elle est supérieure à ce qui est rapporté dans le dossier des tests commercialisés, ainsi que dans une autre étude effectuée chez 294 personnes infectées par le VIH à San Francisco (5,1%)2.
Peu détudes sont disponibles sur la performance des tests en fonction du degré dimmunodépression. Une étude effectuée avec le test QFT chez 590 personnes infectées par le VIH a montré une proportion plus importante de résultats indéterminés dus à la faible production dIFN-gamma en réponse à la PHA, en dessous de 100 CD4/ml et une concentration médiane dIFN-gamma moindre en cas de nombre de CD4 plus faible3.
La technique Elispot apparaît plus adaptée que le test QFT pour diminuer la proportion de résultats indéterminés avec la diminution du nombre des CD4, car cette technique utilise le même nombre de cellules placées dans chaque puits de réaction, quel que soit le nombre total des CD4, ce qui compense la diminution de production dIFN-gamma.
En conclusion, cette étude montre une meilleure sensibilité diagnostique de ce test par rapport au test tuberculinique quels que soient les CD4, mais sa valeur est amoindrie par la proportion importante de faux négatifs à un stade évolué du déficit immunitaire.
1 - Menzies D, Pai M, Comstock G, «
3Meta-analysis : new tests for the diagnosis of latent tuberculosis infection : areas of uncertainty and recommendations for research",
Ann Intern Med, 2007, 146, 340-54
2 - Luetkemeyer AF, Charlebois ED, Flores LL et al.,
"Comparison of an interferon-gamma release assay with tuberculin skin testing in HIV-infected individuals",
Am J Respir Crit Care Med, 2007, 175, 737-42
3 - Brock I, Ruhwald M, Lundgren B et al.,
"Latent tuberculosis in HIV positive diagnosed by the M tuberculosis specific interferon-g test",
Respir Res, 2006, 7, 1, 5