Revue
critique |
n°136 - mars/avril 08
Anne-Claude Crémieux
Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital
Raymond Poincaré (Garches)
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Rapid HIV testing in outreach and
other community settings United States,
2004-2006 |
Un projet pilote de dépistage du VIH par tests rapides dans des lieux communautaires, mené aux Etats-Unis de 2004 à 2006, a permis d'atteindre une population fréquentant irrégulièrement les lieux de soins. Un exemple ?
En 2003, faisant le constat des insuffisances de la politique de dépistage aux Etats-Unis et notamment au sein des minorités ethniques, les Centers for Diseases Control (CDC) avait décidé de tester de nouvelles stratégies1. Il a donc financé un projet pilote de dépistage par tests rapides dans les lieux communautaires, susceptible de toucher plus particulièrement les populations à risque. Ce sont les résultats de ce projet qui sont présentés dans ce travail publié par le CDC dans le MMWR à loccasion du 1er décembre 2007.
Létude a été réalisée entre 2004 et 2006 par sept associations communautaires dans sept grandes villes (Boston, Chicago, Los Angeles, San Francisco, Washington, Detroit, Kansas City). Le dépistage était réalisé dans des lieux fréquentés par des personnes à risque élevé dinfection (bars, hôtels, clubs, sites déchange de seringues, etc.) ou dans des unités mobiles. Un personnel associatif formé au dépistage proposait le test après obtention dun consentement écrit, dans les limites dâge prévues par le règlement de chaque Etat pour ce consentement. Les personnes connaissant leur séropositivité étaient exclues de létude. Après recueil de données concernant les caractéristiques démographiques, les prises de risques et les dépistages antérieurs, un test rapide était pratiqué sur sang total ou salive (Oraquick® Rapid HIV-1 Antibody Test ou OraQuick® AdvanceTM rapid HIV-1/2 Antibody Test) et le résultat rendu 20 à 40 minutes plus tard. Lorsque le test rapide était positif, un nouveau prélèvement salivaire ou sanguin était pratiqué pour test de confirmation par Western Blot, et un rendez-vous prévu pour le rendu des résultats. En cas de séropositivité confirmée, le patient était adressé à une consultation médicale pour la prise en charge de linfection à VIH.
Sur 24172 personnes ayant accepté de se faire tester, 44 ne rentraient pas dans les limites dâge et 84 nont pas été incluses en raison dune séropositivité déjà connue. Le nombre de personnes ayant refusé le test nest pas connu. 144 personnes ont été secondairement exclues de lanalyse car le résultat du test rapide navait pas été rendu ou linformation était manquante. Au total, 23900 personnes ont été incluses dans lanalyse (5536 à Los Angeles, 5162 à Boston, 4486 à Washington, 2985 à Kansas City, 1931 à San Francisco, 1868 à Detroit et 1832 à Chicago).
Parmi les personnes testées, 39% étaient noires non hispaniques, 31% hispaniques et 21% blanches non hispaniques. 63% étaient des hommes. La moitié navaient pas de couverture sociale et 9% étaient SDF. 66% des personnes testées avaient des partenaires multiples, 17% avaient eu des rapports homosexuels et 6% sétaient injecté de la drogue au cours de lannée précédente. 30% navaient jamais fait de test et, parmi les autres, 43% navaient pas fait de test depuis 1 an.
60% des personnes testées avaient consulté un lieu de soins dans lannée précédant le test. Parmi celles-ci, moins de la moitié (44%) avaient été testées durant cette année et 24% navaient jamais été testées auparavant.
331 (soit 1% des personnes testées) avaient un test rapide positif. 286 (86%) ont eu un nouveau prélèvement pour confirmation. Parmi celles-ci, 267 (93%) avaient une infection à VIH et 17 (7%) étaient de faux positifs. La valeur prédictive positive du test rapide était de 94% (267 sur 284).
Les personnes infectées par le VIH appartenaient à une minorité ethnique dans 74% des cas et avaient eu des rapports homosexuels dans 69% des cas. Un quart dentre elles navaient jamais fait de test et environ la moitié navaient pas eu de test lannée précédente. 19 dentre elles avaient consulté mais navaient pas eu de test à cette occasion.
Seules deux tiers des personnes infectées (200 sur 267) ont reçu leur test de confirmation. La raison le plus souvent citée pour expliquer la non remise du diagnostic était limpossibilité de retrouver le client. Parmi les 200 personnes ayant reçu lannonce de leur infection, 171 (86%) ont accepté dêtre adressées à une consultation de suivi. Ainsi, au total, 171 sur 267 personnes (64%) nouvellement diagnostiquées pour leur infection à VIH ont accepté dêtre adressées à une consultation de suivi.
Cette étude montre que la pratique de tests de dépistage rapides dans des lieux communautaires par un personnel associatif est possible, et permet datteindre une population défavorisée, fréquentant irrégulièrement les lieux de soins, appartenant aux minorités ethniques actuellement touchées par lépidémie aux Etats-Unis.
Lacceptabilité du test ne peut être déduite de cette étude en raison de labsence de données concernant le nombre de personnes auxquelles le test rapide a été proposé. On remarque cependant quen deux ans sur sept villes, 23000 personnes ont été testées grâce à cette initiative, ce qui est deux fois plus que le nombre de personnes testées en 15 mois dans trois départements durgence de trois grandes villes2.
La plupart des personnes qui ont découvert leur séropositivité sont des hommes homosexuels hispaniques ou noirs. Il est intéressant de noter que le pourcentage de séropositivité parmi les personnes testées (1%) nest pas supérieur à celui des urgences2 ou des CDAG3 bien que la population qui fréquente les CDAG soit différente. Cependant, ce dépistage semble constituer une réelle opportunité diagnostique chez les trois quarts de ces personnes, qui soit navaient jamais fait de test, soit nen avaient pas fait depuis 1 an. Rappelons quaux Etats-Unis, le CDC recommande un dépistage annuel chez les hommes ayant des rapports homosexuels4.
Deux points méritent dêtre soulignés. Tout dabord le nombre de faux positifs du test rapide apparaît relativement élevé par rapport aux chiffres habituellement publiés qui se réfèrent en général à la pratique des tests rapides en milieu de soin. Les prochaines études devront porter une attention particulière au choix du test (spécificité, test salivaire versus sang total), à la formation du personnel et à la qualité de la réalisation et dinterprétation du test rapide.
Ensuite, le nombre de personnes infectées qui accèdent aux soins nest pas connu, mais un pourcentage relativement élevé de personnes séropositives nont pas connaissance de la confirmation du diagnostic ou nacceptent pas dêtre adressées à une consultation de suivi. Larticulation entre le dépistage dans des lieux communautaires et la prise en charge apparaît ainsi comme un maillon crucial, quil convient de renforcer.
Les études doivent être poursuivies pour tester lintérêt et la faisabilité des tests rapides en milieu communautaire, en particulier en France, en tenant compte des enseignements de cette expérience.
1 - CDC,
"Advancing HIV prevention : new strategies for a changing epidemic -United States, 2003"
MMWR, 2003, 52, 329-32
2 - "Rapid HIV testing in emergency departments - Three U.S. sites, January 2005-March 2006"
MMWR, 2007, 56, 597-601
3 - CDC,
"HIV counseling and testing at CDC-supported sites, United States, 1999-2004",
US Department of Health and Human Services.
Disponible sur www.cdc.gov/hiv/topics/testing/resources/reports/pdf/ctr04.pdf
4 - "Revised recommendations for HIV testing of adults, adolescents and pregnant women in health-care setting"
MWR, 2006, 55, 1-17