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n°135 - hiver 07/08

 


VIH – VIEILLISSEMENT

Les patients de plus de 50 ans face aux HAART

 

Karine Lacombe

Service des maladies infectieuses, Hôpital Saint-Antoine (Paris)

 






Immunologic and clinical responses to highly active antiretroviral therapy in patients with HIV infection aged > 50 years
Cuzin L., Delpierre C., Gerard S., Massip P., Marchou P.
Clinical Infectious Diseases, 2007, 45, 654-7

Un dépistage tardif, donc à un âge avancé et à un degré d'immunodépression plus important, semble associé à une progression clinique plus fréquente et à une moindre restauration immune. De plus, l'interruption thérapeutique est plus précoce chez les patients de plus de 50 ans, et le plus souvent liée à des problèmes de tolérance. Des données qui plaident pour un dépistage plus large.

 

Un cinquième environ des patients infectés par le VIH en France ont maintenant plus de 50 ans, comme le montrent des données récemment publiées à partir du DMI2, grande base de données contenant un large échantillon représentatif des patients infectés par le VIH et vivant en France1.
Ce vieillissement de la population est dû à plusieurs raisons. La plus évidente tient au fait que l’accès depuis 1996 aux multithérapies antirétrovirales a transformé le pronostic de l’infection par le VIH en réduisant de façon drastique la morbidité et la mortalité liées au VIH. Un grand nombre de nouveaux patients sont aussi diagnostiqués trop tard au cours de l’évolution de l’infection, peut-être parce que le réflexe de dépistage du clinicien est moins présent devant une personne âgée, et que celle-ci n’a pas l’idée, en l’absence de facteur de risque spécifique, de demander un dépistage systématique.
Dans tous les cas, ce vieillissement progressif des patients infectés par le VIH pose de multiples problèmes de prise en charge. Contrairement à ce qui a pu être dit, la restauration immune et l’efficacité des antirétroviraux ne sont pas altérées par l’âge. En revanche, au vieillissement s’associe l’apparition de comorbidités, et le risque d’interaction médicamenteuse est plus important du fait de prescriptions associées aux antirétroviraux plus fréquentes.
Les auteurs de cet article se sont appuyés sur des données issues du suivi de leur file active pour évaluer la réponse immuno-virologique à une première ligne d’antirétroviraux en fonction de l’âge et déterminer l’imputabilité d’un arrêt de traitement à une mauvaise tolérance des médicaments chez les patients de plus de 50 ans.
Cette étude de cohorte monocentrique a concerné 639 patients suivis à l’hôpital Purpan de Toulouse et chez lesquels un traitement antirétroviral a été introduit entre 1996 et 2006. N’ont été pris en compte que les patients traités par une association dite puissante (2 analogues nucléosidiques associés soit à autre analogue nucléosidique, soit à un analogue non nucléosidique, soit à une antiprotéase boostée ou non par du ritonavir).
Parmi ces patients, 99 (15,5%) avaient plus de 50 ans lors de l’introduction du traitement, et 257 (40,2%) ont été dépistés avec un taux de lymphocytes inférieur à 200/mm3 ou au stade sida (définissant ainsi le groupe des dépistés tardifs). Le taux de dépistés tardifs était plus important chez les patients âgés de plus de 50 ans (56,2% vs 44,9% chez les moins de 50 ans, p = 0,05).
Sur le plan immuno-virologique, la réponse au traitement à 6 mois n’était pas associée à l’âge, mais au dépistage tardif : 19,3% des patients dépistés tardivement avaient un taux de CD4 supérieur à 350/mm3, versus 75,3% dans le reste de la cohorte, probablement en raison d’un taux de CD4 plus faible lors de la mise sous traitement. De même, seul le dépistage tardif était associé à une progression clinique plus fréquente après mise sous antirétroviraux (OR = 3,3, IC95% 1,5-8). En revanche, ni l’âge ni le statut tardif du dépistage n’ont modifié la réponse virologique au traitement, le taux de succès virologique à 6 mois étant identique dans tous les groupes et avoisinant les 70%.
La fréquence des arrêts de traitement était elle aussi similaire dans les différents groupes (autour de 67%), mais le délai entre initiation et interruption était significativement plus court chez les patients de plus de 50 ans (6,4 vs 14,1 mois, p < 0,01). En analyse multivariée, les facteurs associés à un arrêt pour cause de mauvaise tolérance étaient l’âge supérieur à 50 ans, un dépistage tardif et une introduction de traitement postérieure à 2000. En cas de mauvaise tolérance, celle-ci se manifestait plus fréquemment par des troubles neuropsychiques ou hématologiques.
Plusieurs limitations méthodologiques sont à relever dans cette étude de cohorte. Elle aurait par exemple gagné en puissance si elle avait été multicentrique, ce qui semblait facilement envisageable au regard de l’informatisation de plus en plus fréquente des services hospitaliers prenant en charge les patients infectés par le VIH. De même, il n’est pas très évident à partir des résultats présentés d’évaluer le réel impact d’un dépistage tardif ou de l’âge sur la reconstitution immune.
C’est surtout la durée d’évolution de l’infection par le VIH, dont le dépistage tardif ou l’âge avancé à l’introduction des antirétroviraux ne sont que des illustrations, qui explique la moins bonne reconstitution immune sous traitement. En revanche, il semble bien que l’âge s’accompagne d’une altération de la tolérance aux antirétroviraux, ce qui confirme l’impression qu’ont beaucoup de cliniciens s’occupant de patients infectés par le VIH.
Cette étude appuie la nécessité de poursuivre l’évolution de la politique de prise en charge des patients, en s’interrogeant par exemple sur l’intérêt de débuter plus tôt les antirétroviraux, s’ils permettaient en particulier de stopper l’évolution de la maladie tout en étant bien tolérés quand ils sont introduits suffisamment tôt.
De même, la politique de dépistage doit être élargie à toute la population, indépendamment des groupes à risque classiques, comme le préconise le Conseil national du sida dans son rapport sur la révision des politiques de dépistage2, afin de diminuer encore plus le taux de patients qui ne sont dépistés qu’à l’occasion d’un sida déclaré.

Les points clés

La réduction de la mortalité et de la morbidité liées au VIH secondaire à l’utilisation des multithérapies antirétrovirales depuis 1996 s’est accompagnée d’un vieillissement des patients infectés par le VIH.

Même si l’âge n’est pas associé à une moindre efficacité immuno-virologique des antirétroviraux, le dépistage tardif, donc à un âge avancé et à un degré d’immunodépression plus important, semble, lui, associé à une progression clinique plus fréquente et à une moindre restauration immune.

Par ailleurs, même si la fréquence des arrêts de traitement n’est pas liée à l’âge, quand l’interruption thérapeutique intervient, elle est précoce chez les patients de plus de 50 ans, et le plus souvent liée à des problèmes de tolérance.

Ces données doivent inciter à proposer un dépistage plus large et plus accessible, allant dans le sens des dernières recommandations du Conseil national du sida.



1 - Grabar S, Weiss L, Costagliola D,
"HIV infection in older patients in the HAART era",
J Antimicrob Chemother, 2006, 57, 4-7
2 - Recommandations du Conseil national du sida pour améliorer le dépistage du VIH en France (
www.cns.sante.fr)