TranscriptaseRevue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites

   
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n°135 - hiver 07/08

 


Edito n°135

 

Gilles Pialoux, Didier Jayle








 

 

Bernard Hirschel et la Commission fédérale suisse pour les problèmes liés au sida ont affirmé qu’"une personne suivant un traitement antirétroviral avec une virémie entièrement supprimée (NDR : c’est-à-dire en dessous du seuil de détection) ne transmet pas le VIH par voie sexuelle". Et donc qu’un couple "sérodifférent" peut avoir des rapports sexuels non protégés si la multithérapie a réndu la charge virale indétectable depuis au moins six mois et si la personne VIH+ est suivie rigoureusement. Les Suisses sont en avance, et un autre ténor international du VIH, Julio Montaner, a entonné le même refrain ; nous verrons ce que retiennent les recommandations françaises en cours de révision...
Supprimés donc les guillemets et le conditionnel d’usage, sur cette question scientifique débattue depuis 1999 et qui ne cesse d’engranger des preuves scientifiques en sa faveur. Conséquence majeure au niveau collectif : en augmentant le nombre de personnes traitées avec charge virale indétectable, on diminuerait - toute prévention sexuelle égale par ailleurs, il s’entend - le risque de transmission sexuelle du VIH.
Le point clé du débat est bien de savoir si de tels effets d’annonce peuvent être contre-productifs en termes de prévention sexuelle. Pour ceux qui ont suivi le débat associatif, Sida Info Service versus Act Up versus Survivre au Sida, il a été surtout question de savoir si cette avancée possible de la prévention concernait uniquement les couples hétéros sérodifférents ou aussi ceux chez qui la prévention actuelle a le plus reculé : les homos. Au passage, Act Up posant clairement la question des personnes atteintes non traitées, en échappement, ou co-infectées par une IST.
Pour les cliniciens, cette nouvelle génère au moins deux enseignements :
1) une telle information est utile aux personnes contaminées auxquelles le VIH impose les contraintes du traitement et une vie sexuelle toujours contrainte à l’usage du préservatif. On ne saurait les priver de cette information, d’autant que les rapports non protégés sont fréquents dans les couples sérodifférents, avec le plein consentement de la personne non infectée. Cette information utile au niveau individuel, renforce le dialogue médecin/patient autour des résultats thérapeutiques et de la prévention ;
2) si on sait de longue date que traiter réduit la transmissibilité du VIH, on observe que dans les populations occidentales traitées, l’épidémie est quand même en augmentation, notamment dans les milieux gays, et s’accompagne d’une recrudescence spectaculaire et soutenue des IST. On ne peut donc pas ériger cette pratique en stratégie de prévention au niveau populationnel, où les préservatifs doivent rester la norme. Même si cette norme préventive est contraignante et que certains la refusent ou font de nombreux écarts. La question est au coeur des débats pour les méthodes qui ne procurent qu’une prévention partielle, les (futurs) microbicides ou la circoncision.
A nous collectivement, chercheurs, personnes atteintes, cliniciens, préventeurs, d’inventer des stratégies de réduction des risques sexuels à la fois cohérentes et diversifiées permettant d’utiliser au mieux pour les individus et la société ces acquis si précieux.