Revue
critique |
n°134 - Décembre 2007
Aurélie Schnuriger
Laboratoire de virologie UPRES EA 2387, Hôpital
Pitié-Salpêtrière (Paris)
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Effect of exposure to injection drugs
or alcohol on antigen-specific immune responses in HIV and
hepatitis C virus coinfection |
L'intensité de la réponse immune spécifique du VHC influence l'évolution clinique de l'hépatite C. Cette étude présente l'originalité de décrire les réponses immunes spécifiques du VHC selon que les patients consomment ou non des drogues par voie injectable ou de l'alcool ; les effets de ces substances ont été observés sur des patients monoinfectés par le VHC et coinfectés par le VHC et le VIH.
La plupart des sujets coinfectés par le VIH et le VHC ont acquis ces deux virus par injection parentérale de drogue. Le virus de lhépatite C nest pas considéré comme cytopathique ; linflammation du foie et la fibrose se développant chez les sujets infectés de façon chronique par le VHC sont dues principalement à la réponse immune anti-VHC. De manière paradoxale, au cours de la coinfection par le VIH, limmunosuppression est associée à une progression plus rapide de la maladie hépatique, ce qui souligne limportance de la qualité de la réponse immune autant que de sa quantité. Les réponses immunes spécifiques du VHC influent potentiellement sur lévolution clinique de lhépatite : en effet le maintien de réponses productrices dIFNgamma permet une progression plus lente vers la fibrose hépatique1. Il a été montré auparavant par la même équipe que des réponses immunes anti-VHC plus fortes sont potentiellement liées à une fibrose et une inflammation limitées2. Un autre point important, qui nest pas discuté dans cette étude, est limplication controversée des réponses immunes anti-VHC dans lefficacité du traitement du VHC.
Une forte consommation dalcool chez les sujets coinfectés est un facteur de risque connu de progression vers la fibrose sévère, par des mécanismes encore non élucidés. En revanche, leffet de lalcool et de la prise de drogues par voie injectable sur les réponses immunes spécifiques du VHC navait pas été étudié auparavant, bien que ceci concerne une proportion non négligeable des patients. De plus limpact relatif sur les réponses immunes anti-VHC de la coinfection VIH, par rapport à la prise de drogues ou dalcool, était également une question dintérêt.Dans cette étude, parmi 57 patients monoinfectés par le VHC et 84 patients coinfectés par le VHC et le VIH, 35 étaient consommateurs de drogues injectables, 53 étaient consommateurs dalcool et 53 déclaraient ne consommer ni lun ni lautre. Les effectifs étudiés sont donc relativement importants. Les réponses immunes ont été évaluées par méthode Elispot avec détection de la production par les lymphocytes des patients de 3 cytokines, interféron gamma (IFNgamma), interleukine 10 (IL-10) et Tumor Necrosis Factor alpha (TNFalpha), en réponse à la stimulation antigénique par des protéines recombinantes du VHC.
Prise de drogues injectablesGlobalement, la production dIFNgamma et de TNFalpha mesurée contre les antigènes du VHC était plus élevée chez les sujets monoinfectés VHC que chez les coinfectés VIH-VHC. Ces résultats confirment des études déjà publiées sur linfluence du statut VIH sur les réponses immunes spécifiques du VHC3, et montrent que cette influence est variable selon les cytokines étudiées, limmunosuppression altérant le plus la production dIFNgamma.
Sans distinction des mono- et coinfectés, les utilisateurs de drogues par voie intraveineuse montraient des productions plus élevées des 3 cytokines IFNgamma, IL-10 et TNFalpha en réponse à lantigène de rappel Candida, alors quaucune différence significative nétait observée contre lantigène de rappel Tétanos ; en réponse aux antigènes du VHC, les réponses étaient plus fortes chez les utilisateurs de drogues par voie intraveineuse pour la production dIL-10, et de TNFalpha pour certains antigènes. Parmi les sujets coinfectés uniquement, les réponses contre la somme des antigènes du VHC étaient plus fortes en IFNgamma et en IL-10 chez les utilisateurs de drogues par voie intraveineuse que chez les non utilisateurs. Il a été vérifié que cette augmentation de la production dIL-10 nétait pas liée directement au degré dimmunosuppression via une déviation vers un profil cytokinique Th2 ; en effet dans cette étude le groupe des utilisateurs de drogues coinfectés présentaient des taux de lymphocytes T CD4 sanguins plus bas que les groupes comparateurs.Consommation dalcoolSans distinction des patients mono- et coinfectés, les consommateurs dalcool montraient uniquement une production plus élevée dIL-10 contre Candida et la protéine non structurale NS5 du VHC. Parmi les coinfectés, les réponses IFNgamma, IL-10 et TNFalpha nétaient pas différentes contre lantigène Candida et les protéines du VHC entre les consommateurs dalcool et les témoins non-utilisateurs. Aucune différence napparaissait en considérant les réponses immunes des consommateurs occasionnels ou de quantités importantes dalcool ; ni parmi les coinfectés entre les sujets ayant une charge virale VIH inférieure à 400 copies/ml (plus fréquent chez les consommateurs dalcool) ou supérieure à 400 copies/ml. En résumé, dans cette étude la prise de drogues par voie intraveineuse semblait affecter les réponses IFNgamma et IL-10 anti-VHC plus que la consommation dalcool.
Limitations de létudeComme dans toute étude des réponses immunes spécifiques du VHC, les auteurs détectent souvent des productions de cytokines très faibles en réponses aux antigènes du VHC, notamment pour linterféron gamma et surtout chez les patients coinfectés par le VIH. Les résultats sont considérés ici comme interprétables grâce à lutilisation dun seuil de détection très bas, fixé à 10 Spot Forming Cell (SFC) par million de cellules (alors quil est plus classiquement fixé à 50 SFC/million), que les auteurs indiquent comme déterminé sur 9 donneurs sains.
La production dIFNgamma est considérée comme le reflet des fonctions immunes effectrices. Cependant il est admis que cette production est altérée par la coinfection par le VIH, comme retrouvé dans cette étude, et cette influence du VIH semble plus importante sur les réponses immunes anti-VHC que celle des autres facteurs confondants analysés ici. Dans cette étude, la détection dIFNgamma a été complétée par la détection de la production dinterleukine 10 et de TNFalpha, ce qui permettait délargir les profils de réponses immunes analysés ; la production dIL-10 nétait pas différente entre les patients mono- et coinfectés.
La consommation dalcool semble ici influencer faiblement les réponses immunes spécifiques du VHC ; ces résultats sont néanmoins à nuancer, puisque peu de sujets étaient considérés comme forts consommateurs dalcool dans cette étude. Dautre part, la consommation de drogues par voie intraveineuse ou dalcool était uniquement déterminée sur questionnaire, de même que le statut "non-utilisateur".En conclusion, une question originale était posée ici, portant sur lidentification de facteurs confondants pour létude des réponses immunes spécifiques du VHC. Ces réponses immunes sont difficiles à étudier, dintensité souvent faible principalement en cas de coinfection par le VIH. Cette étude montre des réponses immunes spécifiques du VHC relativement augmentées chez les sujets consommateurs de drogues par voie intraveineuse, associées à des réponses immunes augmentées contre lantigène de rappel Candida, sans que ce dernier point soit discuté. Les études immunologiques des réponses immunes cellulaires spécifiques du VHC seraient donc susceptibles dêtre biaisées si la consommation concomitante de drogues par voie intraveineuse nest pas considérée. Les mécanismes impliqués dans les interactions entre réponses immunes anti-VHC et opiacés restent à élucider.
Les points clés
Les patients coinfectés par le VIH et le VHC ont des réponses immunes spécifiques du VHC plus faibles que les patients monoinfectés par le VHC, en termes de production dIFNgamma et de TNFalpha, mais pas en ce qui concerne la production dIL-10.
Les usagers de drogues par voie veineuse, même coinfectés par le VIH, montrent des réponses immunes IFNgamma et IL-10 spécifiques du VHC plus élevées que les non-utilisateurs.
Leffet sur les réponses immunes spécifiques du VHC dune consommation concomitante dalcool semble limité.
1 - Kamal SM, Graham CS, He Q, et al.
"Kinetics of intrahepatic hepatitis C virus (HCV) - specific CD4+ T cell responses in HCV and Schistosoma mansoni coinfection : relation to progression of liver fibrosis"
J Infect Dis, 2004, 189, 114050
2 - Graham CS, Wells A, Liu T, et al.
"Antigen-specific immune responses and liver histology in HIV and hepatitis C coinfection"
AIDS, 2005, 19, 767-73
3 - Anthony DD, Yonkers NL, Post AB, et al.
"Selective impairments in dendritic cell-associated function distinguish hepatitis C virus and HIV infection"
J Immunol, 2004, 172, 490716