TranscriptaseRevue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites

   
Recherche dans les archives Transcriptases avec google.
Les archives contiennent les articles parus dans les N° 1 à 137.
Les articles des n° 138 et suivants sont publiés sur
www.vih.org


n°134 - Décembre 2007

 


VHC – VIROLOGIE

Le génotype 4 du VHC à la française

 

Stéphane Lévy

Service d'hépato-gastroentérologie, Hôpital Robert Debré (Reims)

 






Epidemiological characteristics and response to peginterferon plus ribavirin treatment of hepatitis C virus genotype 4 infection
Roulot D., Bourcier V., Grando V., Deny P., Baazia Y., Fontaine H., Bailly F., Castera L.,De Ledinghen V., Marcellin P., Poupon R., Bourliere M., Zarski J.-P., Roudot-Thoraval F., Observational VHC4 Study Group.
Journal of Viral Hepatology, 2007, 14(7), 460-7

Initialement surtout présent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le génotype 4 du virus de l'hépatite C est connu de longue date mais reste minoritaire en France.

 

Les grandes études thérapeutiques pivotales de l’hépatite C chez les sujets monoinfectés ont le plus souvent ignoré ou n’ont pas pu analyser les résultats du traitement antiviral du fait d’effectifs réduits dans ce sous-groupe.
L’augmentation croissante de patients contaminés par ce génotype a conduit Roulot et al. à réaliser la première étude française spécifiquement consacrée aux hépatites virales C de génotype 4. Il s’agit d’une étude rétrospective nationale multicentrique (19 centres) ayant inclus entre 1995 et 2004 1532 patients.

La cohorte

Ces patients ont été répartis en 3 groupes. Le groupe 1 rassemble des patients infectés en France (n = 1056, 69%). Dans le groupe 2 sont rassemblés des migrants originaires d’Egypte (n = 227, 15%), et dans le groupe 3 des migrants provenant d’Afrique subsaharienne (n = 249, 16%).
Il y avait significativement plus d’hommes dans le groupe 1 et 2 que dans le groupe 3. Les sujets du groupe Afrique étaient significativement plus âgés (50 ans, contre 44 et 45 dans les groupe 1 et 2).
Le mode de contamination était un usage de drogue par voie intraveineuse pour 56% du groupe 1. Comme l’avaient montré des études antérieures, une majorité de sujets du groupe Egypte (62%) avait reçu un traitement parentéral contre la bilharziose dans l’enfance ou l’adolescence (7% de ce groupe avaient été transfusés). Dans le groupe Afrique, 21% avaient reçu des transfusions.
La durée moyenne depuis la contamination était estimée pour 72% des sujets à 21 ans (significativement plus longue dans le groupe Egypte, 27 ans).
Les sujets du groupe France avaient significativement moins souvent un diabète et leur index de masse corporelle était significativement plus bas.
Une coinfection avec le VIH était plus fréquente dans le groupe France que dans les 2 autres : 10,6% contre 0,8 et 5,3%. A l’inverse, une coinfection avec le VHB (définition non précisée) était significativement plus fréquente dans le groupe Afrique (4,8% versus 2,5 et 1,9% respectivement dans les groupes 1 et 2).

Une biopsie du foie préthérapeutique était disponible pour 1205 patients : l’activité et l’existence d’une cirrhose étaient significativement plus importantes dans le groupe Egypte (29,8% de cirrhoses) mais la distinction entre la fibrose d’origine virale ou conséquence de la bilharziose était impossible.
La moitié des patients inclus (742) a été traitée mais seuls les résultats des 265 patients qui ont reçu le traitement de référence actuel (interféron pégylé et ribavirine, tous pendant 48 semaines) ont été analysés. Ces 265 patients n’avaient pas de caractéristiques épidémiologiques différentes de ceux non traités, en dehors de la consommation d’alcool et de l’existence d’une coinfection VHB ou VIH (détails non fournis).
Une grande majorité (93,5%) des patients du groupe Egypte étaient infectés par le génotype 4a (54,8% pour le groupe France) et 7 sous-types différents étaient présents dans le groupe Afrique, sans sous-type majoritaire.
La réponse virologique prolongée (RVP) globale était de 43,4%, plus importante dans le groupe Egypte (54,9% versus 40,3 et 32,4 ; p = 0,046). La RVP était aussi significativement plus élevée chez les patients égyptiens indépendamment du score de fibrose (chez les sujets F3-F4 : 46,4% versus 21,2 et 27,3). Le sous-type 4a était lié à une meilleure réponse.
En analyse multivariée, deux facteurs étaient associés avec une meilleure réponse : l’origine égyptienne et l’absence de fibrose sévère.

Résultats

Bien que rétrospective, cette première étude française permet de mieux cerner les caractéristiques des patients infectés par un VHC de génotype 4. Ce génotype, minoritaire en France, pourrait avoir une prévalence croissante dans les prochaines années du fait des modes de transmission. A ce propos, l’usage de drogues par voie intraveineuse (10% des sujets du groupe France) est comparable avec les données des cohortes des sujets coinfectés VIH-VHC de génotype 4.

Comme cela était suspecté depuis plusieurs années, cette étude confirme que la réponse au traitement de 48 semaines est globalement comparable à celle du génotype 1. La réponse au traitement est paradoxalement meilleure dans le groupe de patients ayant une fibrose plus sévère (groupe Egypte, avec cependant une fibrose possiblement de cause à la fois virale et parasitaire).
Le sous-type 4a semble associé à une meilleure réponse, mais ceci a actuellement peu d’applications pratiques. Il existe peu d’études thérapeutiques spécifiquement consacrées au traitement des patients infectés par un VHC de génotype 4. Seules 3 études thérapeutiques spécifiques ont été publiées1-3. Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans l’étude de Kamal et al.2, étude randomisée contrôlée avec le plus gros effectif (n = 287), les résultats d’un traitement de 36 semaines étaient équivalents à ceux d’un traitement de 48 semaines (66 versus 69%).
Par ailleurs, Diago et al.3 ont montré que la posologie de ribarivine semble importante avec résultat optimal dans le groupe 1200 mg. Cette analyse n’est pas faite dans les 2 études précédentes (dans l’étude de Roulot et al., la posologie moyenne était de 1000 mg dans les 3 groupes).

Les résultats du traitement des sujets monoinfectés par un VHC de génotype 4 paraissent plutôt intermédiaires à ceux de génotype 1 et 2/3. En l’absence de données scientifiques solides, il a été admis que le génotype 4 devait être pris en charge comme le génotype 1 (48 semaines de traitement). Des études thérapeutiques spécifiques seraient bien sûr bienvenues, notamment pour évaluer les résultats d’un traitement de 36 semaines.



1 - Hasan F, Asker H, Al-Khaldi J, et al.
"Peginterferon alfa-2b plus ribavirin for the treatment of chronic hepatitis C genotype 4"
Am J Gastroenterol., 2004, 99(9), 1733-7
2 - Kamal SM, El Tawil AA, Nakano T, et al.
"Peginterferon {alpha}-2b and ribavirin therapy in chronic hepatitis C genotype 4 : impact of treatment duration and viral kinetics on sustained virological response"
Gut., 2005, 54(6), 858-66
3 - Diago M, Hassanein T, Rodés J, et al.
"Optimized virologic response in hepatitis C virus genotype 4 with peginterferon-alpha2a and ribavirin"
Ann Intern Med., 2004, 140(1), 72-3