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n°134 - Décembre 2007

 


VIH – VHB – VHC

Ac anti-HBc, avec ou sans VHC, et risques d'hépatocarcinome

 

Firouze Bani-Sadr

Service des maladies infectieuses, Hôpital Raymond Poincaré (Garches)

 




Antibody to hepatitis B core antigen and risk for hepatitis C-related hepatocellular carcinoma : a prospective study
K. Ikeda, H. Marusawa, Y. Osaki, et al.
Ann Intern Med. May 1 2007;146(9):649-656

Isolated hepatitis B core antibody is associated with HIV and ongoing but not resolved hepatitis C virus infection in a cohort of US women
A.L. French, E. Operskalski, M. Peters, et al.
J Infect Dis. May 15 2007; 195 (10):1437-1442

Deux articles récents traitent l'un de l'épidémiologie des Ac anti-HBc isolés dans la population VIH, et l'autre du risque d'hépatocarcinome chez les patients infectés par le VHC et porteurs d'Ac anti-HBc.

 

L’infection VHB occulte est définie par la présence d’ADN VHB dans le tissu hépatique (+/- dans le sérum) et la négativité de l’AgHBs, avec ou sans la présence des autres marqueurs sérologiques témoignant d’une infection passée, comme les Ac anti-HBc et/ou les anticorps anti-HBs.
De nombreuses études faites au Japon ou en Europe ont montré une prévalence plus élevée de l’hépatite B occulte en cas d’infection VHC.

French et al.

L’étude de French et al. évalue les facteurs prédictifs associés à la présence d’Ac anti-HBc isolés dans une cohorte de femmes (988 VIH+ et 196 VIH-) en comparant les femmes ayant des Ac anti-HBs isolés à celles ayant des Ac anti-HBc et des Ac anti-HBs.
Parmi les 1192 femmes ayant un AgHBs négatif et des Ac anti-HBc positifs, 490 (41%) avaient des Ac anti-HBc isolés et 702 (59%) avaient des Ac anti-HBc et des Ac antiHBs positifs. Parmi les 490 femmes ayant des Ac anti-HBc isolés, la quantification de l’ADN VHB faite dans 452 cas, était positive (seuil 200 copies) dans 8 cas (1,8%). Ces 8 femmes ont été exclues de l’analyse. En analyse univariée, l’infection par le VIH, l’infection par le VHC avec ou sans réplication virale VHC, un antécédent de toxicomanie, un nombre de partenaires sexuels supérieur à 10, des ALAT élevées et une charge virale VIH > 100000 copies/ml étaient associés à la présence d’Ac anti-HBc isolés. En analyse multivariée, l’infection par le VIH (OR = 1,8 ; IC95% [1,1-2,8] ; p = 0,01), un antécédent de toxicomanie (OR = 1,7 ; IC95% [1,1-2,6] ; p = 0,02), un nombre de partenaires sexuels supérieur à 10 (OR = 1,7 ; IC95% [1,1-2,5] ; p = 0,01), une charge virale VIH > 100000 copies/ml (OR = 1,7 ; IC95% [1,0-2,7] ; p = 0,03) et une réplication virale VHC (et non le statut VHC positif sans réplication virale VHC) (OR = 1,7 ; IC95% [1,1-2,8] ; p = 0,02) restaient associés à la présence d’Ac anti-HBc isolés.

Résultats

Cette étude montre ainsi que les Ac anti-HBc isolés (sans réplication virale VHB dans le sérum) étaient associés à une réplication virale VHC alors que la séropositivité VHC en soi ne constituait pas un facteur de risque, suggérant une inhibition de la réponse immunitaire anti-VHB par la réplication virale VHC. A ce titre, la comparaison du taux des Ac anti-HBs entre les femmes VHC+ et les autres montrait un taux d’Ac anti-HBs plus faible chez les femmes VHC+ (88,4 mUI/ml versus 351,1 mUI/ml, p < 0,001), confirmant le résultat d’autres études montrant une moins bonne réponse à la vaccination VHB chez les patients infectés par le VHC.

Cette étude confirme également la prévalence élevée des Ac anti-HBc dans la population VIH+ (43%), comparable à celle retrouvée en France (37,6%). L’infection par le VIH était un facteur de risque indépendant associé aux Ac anti-HBc isolés. Il s’agit de la première étude montrant que l’infection par le VIH constitue un facteur de risque indépendant de la coinfection par le VHC. Le rôle de la dysfonction de la réponse immunitaire et la moindre durabilité de la réponse anti-HBs sont probablement en cause. Certaines conséquences cliniques de ce profil sérologique sont connues, comme le risque de réactivation de l’hépatite B, en cas d’immunodépression sévère, lors de l’initiation d’un traitement antirétroviral, à l’arrêt de la lamivudine, en cas d’apparition de résistance à la lamivudine, et en cas de traitement de la coinfection VHC. En revanche, le risque de progression de la fibrose et d’hépatocarcinome, notamment en cas de coinfection VHC, n’a pas été étudié.

Ikeda et al.

Dans la population non infectée par le VIH, l’infection VHB occulte peut être à l’origine :
– d’un tableau d’hépatite B aigue chez le receveur suite à une transfusion sanguine et ou à une transplantation d’organe ;
– d’une réactivation VHB parfois sévère en cas d’immunodépression ;
– d’une augmentation du risque de progression vers la cirrhose.
Des études rétrospectives ont également suggéré que l’hépatite B occulte augmentait le risque d’hépatocarcinome chez les patients porteurs d’une hépatite C chronique. Ainsi dans une étude portant sur 2014 patients porteurs d’une hépatite C chronique, la prévalence des Ac anti-HBc était de 60% chez les patients ayant développé un hépatocarcinome 3.
Ikeda K et al. ont évalué dans une étude prospective le risque de survenue d’un hépatocarcinome chez les patients ayant une hépatite C chronique et porteurs d’anticorps anti-HB. De mai à juin 1995, 872 patients ayant une sérologie VHC positive, un AgHBs et un ADN VHB sérique négatifs ont été inclus dans une cohorte prospective et suivis jusqu’en mai 2005. Les patients bénéficiaient d’un bilan biologique incluant le dosage de l’aFP et d’une échographie hépatique tous les 3 à 6 mois. Une histologie hépatique était réalisée dans 384 cas. Chez les 488 autres patients, le diagnostic de cirrhose était posé en utilisant le score discriminant de cirrhose qui est basé sur 3 variables (plaquettes, rapport ALAT/ASAT et temps de prothrombine). A l’inclusion, 275 (31,5%) patients étaient porteurs d’une cirrhose ; 141 avaient des anti-HBc positifs (52,2%). Parmi les patients non cirrhotiques (n = 576), les anti-HBc étaient positifs dans 251 cas (43,6%). Deux cents vingt quatre patients ont été traités par interféron : 53 (23,7%) avec une réponse virale prolongée, 39 (17,4%) avec une rechute et 132 (58,9%) avec une non réponse. La proportion de patients ayant des anti-HBc positifs était plus élevée (OR = 8,6) chez les patients cirrhotiques comparée aux patients non cirrhotiques. Parmi les patients anti-HBc positifs, les Ac anti-HBs étaient également positifs dans 46,6% des cas.
Un hépatocarcinome était diagnostiqué dans 237 (28%) cas dans un délai médian de 4,66 ans (+/- 2,67) : 143 (53%) cas chez les patients cirrhotiques et 94 (16,3%) chez les patients non cirrhotiques. L’incidence cumulée de survenue d’un hépatocarcinome était de 11% à 3 ans, 18,1% à 5 ans, 29% à 7 ans et de 45,6% à 10 ans. Parmi les patients cirrhotiques, l’hépatocarcinome était diagnostiqué chez 85/141 (60,3%) patients ayant des anticorps anti-HBc et chez 58/129 (45,0%) patients sans aucun marqueur sérologique VHB positif. Parmi les patients non cirrhotiques et répondeurs à l’interféron, aucun patient anti-HBc négatifs n’a développé un hépatocarcinome comparé à 4 patients anticorps anti-HBc positifs.

Les facteurs suivants ont été inclus dans l’analyse multivariée : la présence d’anticorps anti-HBc, le sexe, l’âge, la consommation de tabac et d’alcool et la réponse au traitement par interféron. Chez les patients cirrhotiques, la présence d’anticorps anti-HBc était associée au risque d’hépatocarcinome (RR = 1,58 ; IC95% [1,12-2,22]). Le risque ne différait pas entre les patients ayant des Ac anti-HBc isolés et ceux ayant des anti-HBc et des Ac anti-HBs positifs. Chez les patients non cirrhotiques, le sexe masculin, l’âge > 64 ans, le tabac et l’absence de réponse à l’interféron étaient associés au risque d’hépatocarcinome. L’absence des anti-HBc comme facteur de risque pour l’hépatocarcinome dans ce dernier groupe pourrait s’expliquer par une plus faible incidence de l’hépatocarcinome et par une durée de suivi trop courte.

Résultats

Cette étude prospective montre que la présence des Ac anti-HBc est associée à une augmentation de risque d’hépatocarcinome chez les patients ayant une hépatite C chronique, même en cas de réponse virale VHC prolongée obtenue sous traitement anti-VHC. Le bénéfice clinique de la réponse virologique VHC soutenue a déjà été montré avec une baisse de l’incidence de l’hépatocarcinome mais ceci uniquement chez les patients n’ayant jamais été exposés au VHB. En effet, le génome du VHB est retrouvé dans le tissu tumoral hépatique des patients VHC positifs, anti-HBc positifs et AgHBs négatif, même chez ceux ayant eu une réponse virologique VHC soutenue. Les mécanismes impliqués dans l’hépatocarcinogenèse de l’hépatite B occulte ne sont pas connus. Le génome viral présent chez ces patients ne semble pas différer de celui retrouvé chez les patients AgHBs positifs1. Ainsi, l’analyse et la comparaison de l’ensemble du génome viral présent chez des patients ayant développé un hépatocarcinome, et ayant soit une hépatite B occulte soit un AgHBs positif, n’a pas mis en évidence de mutations majeures pouvant expliquer notamment l’absence de synthèse de l’AgHBs. Par ailleurs, les souches virales avaient une capacité réplicative normale in vitro, et étaient notamment capables de synthétiser l’AgHBs, suggérant que les facteurs liés à l’hôte plutôt que des facteurs viraux expliqueraient le contrôle de la réplication virale au cours de l’hépatite B occulte2.

Ainsi, l’infection VHB latente semble jouer un rôle majeur dans le développement d’un hépatocarcinome chez les patients porteurs d’une hépatite C, même guérie. La population VIH positive est celle la plus touchée par la coinfection VHC et VHB. Par ailleurs, la prévalence des Ac anti-HBc isolés y est élevée, particulièrement en cas de coinfection VHC. L’impact des Ac anti-HBc isolés sur le risque d’hépatocarcinome n’a pas encore été évalué dans cette population. Néanmoins, compte tenu d’une incidence plus élevée de l’hépatocarcinome chez les patients VIH+ et à la lumière de ces données, les cliniciens doivent être vigilants dans le dépistage de l’hépatocarcinome chez les patients VHC positifs et anti-HBc positifs, guéris ou non pour le VHC.



1 - Marusawa H, Osaki Y, Kimura T, et al.
"High prevalence of anti-hepatitis B virus serological markers in patients with hepatitis C virus related chronic liver disease in Japan"
Gut, 1999, 45(2), 284-288
2 - Pollicino T, Raffa G, Costantino L, et al.
"Molecular and functional analysis of occult hepatitis B virus isolates from patients with hepatocellular carcinoma"
Hepatology, 2007, 45(2), 277-285