Revue
critique |
n°134 - Décembre 2007
Isabelle Heard
Unité de Biologie de la Reproduction, Groupe Hospitalier
Pitié Salpétrière
|
|
|
Biologic markers of ovarian reserve
and reproductive aging : application in a cohort study of
HIV infection in women |
L'infection par le VIH est associée à des perturbations neurologiques, métaboliques, immunologiques ou inflammatoires qui peuvent avoir un retentissement sur le cycle menstruel et sur la réserve ovarienne
Des résultats parfois contradictoires ont été rapportés sur le vieillissement des fonctions de reproduction de la femme séropositive. Deux études réalisées par la même équipe et sur les mêmes femmes avaient conclu à une insuffisance ovarienne précoce chez les femmes séropositives1,2. Cependant, les critères utilisés pour définir la réserve ovarienne étaient discutables. Il sagissait du rapport par les femmes de symptômes de ménopause, de létude du calendrier des règles, paramètres connus pour être sujets à des biais et pour leur imprécision, ou encore de dosages de la FSH.
Il existe dautres critères plus fiables pour évaluer la réserve ovarienne, comme la qualité de la réponse à la stimulation dans le cadre de lassistance médicale à la procréation. Une résistance ovarienne à la stimulation dans le cadre dune assistance médicale à la procréation a été rapportée par plusieurs auteurs3-5. Cependant ces études ont été réalisées chez des femmes séropositives relativement âgées. Après appariement sur lâge, cette résistance à la stimulation persistait dans une étude5 alors quelle nétait plus retrouvée pour dautres6,7, ce qui conduisait les auteurs de ces deux dernières études à conclure que la réserve ovarienne nest pas diminuée chez les femmes séropositives.
Hormone antimüllerienneUn autre marqueur de la réserve ovarienne est depuis peu utilisé, il sagit de lhormone glycoprotéique antimüllerienne (AMH). LAMH fait partie de la famille des facteurs de croissance B (TGF-b) et joue un rôle sur lactivité ovarienne. Chez la femme, elle est sécrétée par les cellules de la granulosa, elle régule le développement des follicules primordiaux. En période de reproduction, lAMH est détectée à un taux constant au cours du cycle, et son taux plasmatique est corrélé à lâge, au taux de FSH et au nombre de follicules antraux. Cest la déplétion des follicules ovariens qui définit le vieillissement des capacités de reproduction de la femme, elle est responsable dune diminution de la fertilité et des sécrétions des hormones gonadiques stéroïdes. LAMH est actuellement considérée comme un bon marqueur du vieillissement ovarien. Son taux décroît lorsque la femme avance en âge.
A partir de données recueillies dans le cadre de la cohorte américaine de femmes séropositives ou séronégatives à haut risque dinfection par le VIH, la WIHS, D. Seifer et al ont étudié la sécrétion dAMH au cours du cycle dans les deux groupes de femmes et cherché à déterminer si le fait dêtre infectée par le VIH influençait les taux dAMH et donc était un facteur de vieillissement ovarien8. Lâge moyen des 263 femmes étudiées était de 37,1 ans. Seulement 8% des femmes étaient de race blanche, les participantes avaient un indice de masse corporelle très élevé (29,1). Moins de 10% navaient jamais été enceintes et 40 % avaient au moins trois enfants. La valeur moyenne de lhormone antimullérienne était moins élevée chez les femmes séropositives que chez les femmes séronégatives, quelque soit le moment du cycle où le dosage était effectué. Cependant dans une analyse multivariée prenant en compte lâge, le fait dêtre séropositive nétait pas associé à une augmentation du taux dAMH (p = 0,25). Parmi les femmes séropositives, celles dont le taux dAMH était supérieur à la médiane (1,03 ng/mL) étaient significativement plus âgées (moyenne dâge 41,7 versus 32,6), plus souvent fumeuses et avaient été plus souvent enceintes. Comme dans la population générale, le taux dAMH était le même tout au long du cycle. Il était également indépendant du nombre de CD4, de la charge virale, de la survenue dun événement classant sida et du fait dêtre sous traitement antirétroviral.
Pas de vieillissement ovarienCette étude est la première qui permette de répondre avec des données objectives à la question dun vieillissement ovarien prématuré chez les femmes séropositives. Elle suggère que le vieillissement ovarien survient au même âge et montre que la concentration plasmatique de lAMH est la même chez les femmes séropositives et chez les femmes séronégatives. Elle confirme également que le dosage dAMH peut être fait à nimporte quel moment du cycle pour évaluer la réserve ovarienne à la différences des autres marqueurs de lactivité gonadotrope (FSH, E2, Inhibin B). Il semble donc que ni linfection par le VIH ni les traitements antirétroviraux naccélèrent le vieillissement ovarien avec ses corollaires en terme de morbidité que sont lostéoporose, les maladies cardiovasculaires et latrophie urogénitale.
Les cliniciens du VIH objecteront que les femmes quils voient en consultation rapportent souvent des bouffées de chaleur pendant la nuit et une aménorrhée prolongée, symptômes "évidents" de ménopause. De fait, dans létude précitée, 14% des femmes séropositives rapportaient des bouffées de chaleur nocturnes contre seulement 5% des femmes séronégatives (p = 0,04). Dans une autre étude provenant de la même cohorte et portant sur 1431 femmes, la survenue dune aménorrhée supérieure à un an était deux fois plus fréquente chez les femmes séropositives que chez les femmes séronégatives (p = 0,02), elle saccompagnait dune élévation de la FSH chez 69% des femmes séronégatives et chez seulement 47% des femmes séropositives8. Chez ces dernières, laménorrhée était due à différentes causes comme lutilisation dopiacés, une hypo-albuminémie, un antécédent dévénement classant sida, la pauvreté et le fait dêtre dorigine non hispanique (cest à dire probablement davoir un meilleur état nutritif que les autres groupes ethniques). Parmi les femmes âgées de plus de 45 ans en aménorrhée prolongée, 100% des femmes séronégatives et seulement 75% des femmes séropositives avaient un taux de FSH indiquant une ménopause. Ainsi les symptômes décrits par les femmes semblent devoir être rapportés à dautres causes que la ménopause dans bon nombre de cas. Moins de la moitié des femmes séropositives en aménorrhée prolongée sont effectivement ménopausées alors que cest le cas pour la plupart des femmes séronégatives.
Ces études devraient permettre de rassurer les femmes séropositives sur leurs capacités de reproduction et les inciter à ne pas négliger leur prise en charge gynécologique.
1 - Clark RA, Cohn SE, Jarek C, et al.
"Perimenopausal symptomatology among HIV-infected women at least 40 years of age"
J Acquir Immune Defic Syndr, 2000, 23(1), 99-100
2 - Clark RA, Mulligan K, Stamenovic E, et al.
"Frequency of anovulation and early menopause among women enrolled in selected adult AIDS clinical trials group studies"
J Infect Dis 2001, 184(10), 1325-7, Epub 2001 Oct 2
3 - Englert Y, Lesage B, Van Vooren JP, et al.
"Medically assisted reproduction in the presence of chronic viral diseases"
Hum Reprod Update, 2004, 10(2), 149-62
4 - Ohl J, Partisani M, Wittemer C, et al.
"Assisted reproduction techniques for HIV serodiscordant couples : 18 months of experience"
Hum Reprod, 2003, 18(6), 1244-9
5 - Terriou P, Auquier P, Chabert-Orsini V, et al.
"Outcome of ICSI in HIV-1-infected women"
Hum Reprod, 2005, 20(10), 2838-43
6 - Martinet V, Manigart Y, Rozenberg S, et al.
"Ovarian response to stimulation of HIV-positive patients during IVF treatment : a matched, controlled study"
Hum Reprod, 2006, 21(5), 1212-7
7 - Coll O, Suy A, Figueras F, et al.
"Decreased pregnancy rate after in-vitro fertilization in HIV-infected women receiving HAART"
Aids, 2006, 20(1), 121-3
8 - Cejtin HE, Kalinowski A, Bacchetti P, et al.
"Effects of human immunodeficiency virus on protracted amenorrhea and ovarian dysfunction"
Obstet Gynecol, 2006, 108(6), 1423-31