TranscriptaseRevue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
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n°134 - Décembre 2007

 


Edito n°134

 

Antonio Ugidos


Gilles Pialoux








 

 

Que l’on soit "gay friendly" ou pas, c’est en soi une "bonne" nouvelle ; en ce 1er décembre 2007, Têtu, le chiquissime mensuel gay et lesbien, n’a pas consacré moins de trente pages à la question clé du moment - "Les gays luttent-ils toujours contre le sida ?" C’est vrai qu’il est désormais permis d’en douter. Avec une séroprévalence estimée à 13%, soit presque autant qu’au Malawi, on relève deux fois plus de pratiques insertives non protégées chez les gays séropositifs que chez les séronégatifs (56% vs 28%)*. Selon les derniers chiffres InVS, le groupe de transmission homo- ou bisexuels masculins représente 29% des nouveaux diagnostics ; c’est le seul groupe de transmission qui ne recule pas sous le poids de la prévention.
Mais au-delà de la réalité comptable, le lexique proposé par Têtu et la parole "associative" qui l’accompagne ont aussi de quoi inquiéter. Il y est en effet question de "sérointerrogatif" de "sérotriage" et de "séroperversité"... Une séroconjugaison qui souffle dans le même sens : celui d’une mise en scène de pratiques hautement à risque de contamination, mais aussi de surcontamination ou de co-contamination. Et ce, au nom semble-t-il des libertés individuelles et/ou de l’identitaire. "Avec les sites bareback, y lit-on, les séropos ne sont pas confrontés à la commisération des séronégs...". C’est dire !
Plus inquiétant encore, ce que l’on peut lire dans certaines autres publications gays : "Faire l’amour sans préservatif est quelque chose de très naturel. C’est l’endémie VIH qui ne l’est pas (...). Voir des personnes continuer à faire l’amour dans ce contexte, avec ou sans préso, c’est un signe de vitalité, de capacité à survivre dans un contexte défavorable"...
On l’a compris, les défenseurs de la prévention ont du pain sur la planche. Ceux qui ont fait du risque sexuel un fond de commerce, en revanche, peuvent apparemment compter hélas sur une certaine complaisance. L’un des défis majeurs de ces prochaines années sera de défendre la prévention, ciblée auprès des personnes à risque et des personnes séropositives, et de clarifier un cahier des charges de la réduction des risques dans les pratiques sexuelles. Afin, par là même, de déterminer si et comment il serait possible de récupérer dans les pratiques safer sex ceux qui, louvoyant entre déni et revendication identitaire du risque, se sentent abandonnés par les discours actuels de prévention.
A lire ce qui se dit ces temps-ci, on croirait révolu le temps du respect des personnes séropositives qui, plus de vingt ans après le début de l’épidémie, continuent à lutter intimement contre l’épidémie et à prôner un discours citoyen et responsable. C’est pourtant ainsi que vivent la majorité des personnes séropositives. Il est urgent de leur redonner la parole et la place qu’elles occupaient au début de l’épidémie - celle d’acteurs de santé publique.


* Enquête Presse Gay 2004