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n°136 - mars/avril 08

 


VHC – TRANSMISSION

La transmission nosocomiale du VHC sous-estimée ?

 

Alex Pariente

Centre hospitalier de Pau

Thierry Morin

Centre hospitalier de Tarbes






Hospital admission as a relevant source of hepatitis C virus acquisition in Spain
Martinez-Bauer E., Forns X., Armelles M., Planas R., Solà R., Vergara M., Fàbregas S., Vega R., Salmerón J., Diago M., Sánchez-Tapias J.M., Bruguera M. ; Spanish Acute HCV Study Group.
Journal of Hepatology, 2008, 48, 20-27

Une équipe espagnole retrouve l'hospitalisation comme seul facteur d'exposition dans 73% des cas d'hépatite aiguë C enregistrés en Espagne de 1998 à 2005. Une proportion probablement surestimée et qui ne correspond pas aux données recueillies en France.

 

L’usage de drogue, la transfusion, les tatouages et piercings, une sexualité à partenaires multiples et la naissance d’une mère porteuse du VHC sont les principaux modes de contamination par le VHC. La transmission nosocomiale est généralement considérée comme quantitativement peu importante, faite de cas isolés et de courtes séries, mettant en cause des fautes majeures dans l’hygiène élémentaire des pratiques de soin.

Le groupe espagnol (18 centres hospitaliers) d’étude de l’hépatite aiguë C a revu rétrospectivement l’ensemble des cas d’hépatite aiguë C (maladie à déclaration obligatoire en Espagne) observés de janvier 1998 à juin 2005. Ces 109 malades ont subi un interrogatoire détaillé sur l’exposition aux facteurs de risque au cours des 6 mois précédents, et, en cas d’hospitalisation, leurs dossiers ont été analysés.
Les 109 malades (53% d’hommes), qui étaient âgés de 21 à 87 ans (moyenne 46 ans), ont eu une hépatite symptomatique dans 62% des cas (42% d’ictère).

Un seul facteur de risque a été retrouvé chez 100 malades, aucun chez 5. Une hospitalisation était le seul facteur d’exposition observé dans 73% des cas. Il s’agissait d’une hospitalisation en chirurgie pour 33 patients (25 élective, 8 en urgence), en médecine dans 24 cas (incluant une épidémie de 9 cas liée à un flacon multidose d’héparine déjà publiée) et pour 16 patients pour réalisation d’un examen invasif (coronarographie 5, chimiothérapie 4, radiofréquence 2, CT iv 3, scintigraphie aux leucocytes marqués). Les autres modes d’infection étaient l’usage de drogues dans 9 cas, une piqûre accidentelle dans 7 cas, une transmission "conjugale" dans 6 cas, des soins dentaires dans 4 cas et un traitement par acupuncture dans 1 cas.
Vingt-quatre patients ont spontanément guéri. Chez 23 autres, l’hépatite est passée à la chronicité, mais ils n’ont pas été traités en raison de comorbidités. Soixante-deux patients ont été traités, 29 de principe avant le 3e mois d’évolution. Vingt et un ont reçu de l’interféron standard, 41 de l’interféron pégylé, associé chez 45 à de la ribavirine ; 51 ont eu une réponse virologique soutenue, 3 une rechute, et 8 n’ont pas répondu.

Les modes "traditionnels" de transmission de l’hépatite C doivent diminuer : la transfusion a un risque inférieur à 1 par million, la transmission par l’usage de drogues pourrait régresser à cause des programmes d’échanges de seringue et de substitution. Parmi les 73 cas où l’hospitalisation était le seul facteur de risque retrouvé dans cette série, la transmission a été prouvée par l’étude phylogénétique des souches virales (12 cas dus à 2 épidémies distinctes par un flacon multidose d’héparine ou d’anesthésique), et 6 cas de transmission de malade à malade partageant la même chambre dans une unité d’hépatologie. Dans les principales séries d’hépatite aiguë C publiées, un facteur d’exposition nosocomial était incriminé dans 20% à 50% des cas.

Dans notre expérience (observations personnelles non publiées), qui porte actuellement sur 126 cas, 21 sont attribuables à des pratiques de soins, 15 à des accidents de piqûre professionnels, 5 au tatouage ou au piercing, 26 à la transmission sexuelle et 45 à l’usage de drogue intraveineuse, qui reste de loin le mode de contamination le plus fréquent.
Il est probable que cette série espagnole surestime le risque relatif lié à l’hospitalisation : en plus de deux épidémies, une proportion non négligeable des cas sont diagnostiqués parce qu’il s’agit de malades régulièrement hospitalisés avec des tests hépatiques systématiques, alors que les hépatites asymptomatiques (sans doute les plus fréquentes) liés à la drogue, à la sexualité, aux tatouages ou aux piercings ne font pas l’objet d’un dépistage systématique après exposition. Enfin, il est probable que, lors d’un interrogatoire rétrospectif, les malades se souviennent plus d’une hospitalisation que d’une relation sexuelle unique avec un partenaire à risque.

Comme dans notre étude, les motifs d’hospitalisation étaient extrêmement variés, sans acte invasif toujours évident (mais tous les malades ont été au moins perfusés) ; cela suggère, si l’hospitalisation est bien la cause de l’infection, des manquements assez diffus aux règles élémentaires d’hygiène, même si leur fréquence exacte est sans doute faible, vu le petit nombre de cas enregistrés prospectivement en Espagne et en France. Une réinformation régulière, un rappel régulier des précautions d’hygiène et des procédures de désinfection, et si c’est possible une enquête détaillée après chaque cas documenté sont toujours d’actualité.



* Thierry Morin coordonne l’observatoire français de l’hépatite aiguë C (
tmorin@ch-tarbes-vic.fr)