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"Design considerations for legalizing cannabis: lessons inspired by analysis of California’s Proposition 19"
Caulkins JP, Kilmer B, Maccoun RJ et al.
Addiction, 2012, 107, 865–871
L’impact de la légalisation de la production, de la distribution et de la possession du cannabis est largement inconnu, puisqu’à ce jour, aucun Etat ne l’a autorisée. Caulkins et al., dans un article publié dans un des meilleurs journaux internationaux du domaine (Addiction) ont passé en revue les implications sociétales d’une légalisation.
D’une manière générale, les motivations sous-tendant la légalisation sont l’augmentation des revenus provenant des taxes, la diminution des coûts liés aux arrestations et aux détentions liées au trafic, la diminution ou l’arrêt du marché noir et de la criminalité, ainsi que la meilleure répartition des moyens de police et de justice à d’autres taches. La limitation de la distribution aux personnes majeures, aux personnes désireuses de consommer (limitant par exemple la consommation passive) ou la volonté d’assurer une production de bonne qualité sont aussi des arguments retenus parmi les défenseurs de la légalisation.
Si différentes juridictions à travers le monde ont mis en oeuvre une diminution des peines liées à la consommation ou à la possession de substance psychoactives, peu de pays ont développé une législation spécifique au cannabis. Les Pays-Bas, la Belgique et quelques juridictions australiennes et des Etats-Unis font ainsi l’exception. La Californie a ainsi récemment rejeté la "proposition 19" qui, au-delà de la légalisation de la consommation de cannabis et de la culture pour usage personnel, visait à autoriser les autorités locales à réguler et taxer les activités commerciales de distribution et de production de cannabis. Une chose est certaine dans tous ces pays, comme en France actuellement : les périodes électorales sont propices à de nombreux débats sur ce thème, et qu’il s’agisse des défenseurs de la légalisation ou de leurs opposants, les arguments reposent souvent sur des préjugés et des dogmes politiques plutôt que sur les données actuelles de la science.
Deux questions sont ainsi principalement débattues : "le prix sera-t-il stable ?" et "la consommation va-t-elle augmenter?". Pour la première de ces questions, la réponse est non. L’ensemble des experts reconnaissent que les prix diminueraient si une légalisation est mise en place. La possibilité de cultiver le cannabis en dehors de lieux d’habitation (serres miniatures, comme c’est le cas aujourd’hui) permettrait une culture locale, et diminuerait les coûts d’acheminement. Le prix de production pourrait ainsi être divisé par un facteur 20 au moins. Même si la production était limitée à des sites de petite taille, les diminutions de prix seraient autour de 90%. La diminution de la stigmatisation, des risques légaux liés à la consommation et la publicité augmenteraient très certainement la consommation. En regardant la situation des Pays-Bas, différents experts estiment une augmentation des consommations de 5 à 50% selon les modalités de légalisation et le pays auquel elles seraient appliquées.
Une des inconnues concerne l’élasticité des prix, ou la manière dont le prix de l’offre modifiera la demande. Si cette donnée est bien connue pour le tabac et l’alcool, aucun travail à ce jour ne l’a estimée pour le cannabis. Une des grandes inconnues est également le niveau de taxation. Une taxation du cannabis ou des produits qui en sont dérivés doit permettre un éventuel maintien des prix, ou du moins éviter une chute massive de ceux-ci, mais en parallèle éviter le développement d’un marché noir. Pour Caulkins et al., la taxation permettant le maintien des prix à l’identique serait autour de 7 à 13 dollars par gramme. A titre d’exemple, la taxe sur le tabac aux Etats-Unis est, en fonction des Etats, autour de 0,15 dollar par gramme, et elle à mettre en parallèle avec le développement de nombreuses stratégies d’évitement des taxes par les consommateurs (achat dans des régions limitrophes, marché noir, commandes sur internet...). En fait, le niveau de taxes, comme sur les autres substances psychoactives légales (tabac et alcool) va être soumis à des contraintes contradictoires, les unes ayant des objectifs de santé publique et l’intérêt des consommateurs, les autres visant à augmenter le plus possible des revenus de l’Etat.
L’article de Caulkins et al. met en évidence la complexité de la situation légale, politique et de santé publique autour de la légalisation du cannabis. Elle souligne la naïveté de réponses simplistes, et la nécessité, en cas de demande de l’opinion publique, d’une information claire et loyale, hors de toute idéologie partisane.