Santé
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SWAPS nº 5

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Actualité

Le tableau de bord de la réduction des risques

par Michel Gandilhon

Cela fait quatre ans maintenant qu'en liaison avec les ORS, lesCRIPS Ile-de-France et PACA ont mis en place des structures de réflexion sur la réduction des risques et l'usage de drogues. Ce travail s'est matérialisé par l'organisation de deux rencontres franco-européennes, réunissant des spécialistes français et européens. C'est dans ce cadre, qu'en 1994, lors de la première rencontre, les groupes de travail réunis pour l'occasion ont élaboré des recommandations destinées aux pouvoirs publics et à toutes les personnes concernées, afin de mettre en place une politique optimum en matière de réductions des risques.
Afin que ces recommandations ne restent pas lettre morte, les CRIPS ont confié à EVAL, dirigé par Yves Charpak, le soin d'assurer le suivi des dites recommandations et leur traduction concrètes sur le terrain en publiant un tableau de bord offrant un état des lieux utile de la situation.

De nouvelles recommandations ont été élaborées, lors de la deuxième rencontre organisée à Marseille en septembre 1996 (1), et le tableau de bord de leur suivi à un an vient de paraître (2).

Ce tableau de bord comporte dix chapitres recouvrant la quasi-totalité du champ de l'usage de drogues et de la réduction des risques : les seringues, la substitution, les réseaux de soins coordonnés, les prisons, les collectivités locales, le financement du dispositif de soins, les préservatifs, les groupes d'autosupport la formation et la communication et l'information des professionnels et du public. A chaque recommandation correspond un état des lieux et une comparaison avec la situation qui prévaut dans d'autres pays européens. Nous n'aborderons ici que quelques points.

Concernant les seringues, les recommandations préconisaient l'adjonction dans les trousses de prévention, de filtres, d'acide citrique, de seringues 2cc et de récipients stériles. En outre, l'accès au matériel stérile dans des distributeurs était préconisé ainsi que sur le plan réglementaire, l'adoption d'un texte relatif à l'abandon de la notion de " présomption d'usage " liée à la possession de seringues. S'agissant des trousses de prévention, il semble aujourd'hui que ces recommandations soient en cours de réalisation avec la mise au point de modèles de récipient stérile et de filtre bientôt disponibles dans les Stéribox®. En revanche, la distribution automatique de matériel stérile ne paraît pas envisageable du fait des risques d'un accès possible des seringues aux mineurs. En matière de port de seringues, il est noté une modification des comportements en matière judiciaire : les interpellations dont l'unique motif est le port de la seringue sont classées sans suite par le parquet.

En matière de substitution, on constate d'énormes avancées depuis la recommandation de 1994 enjoignant les pouvoirs publics de permettre aux médecins d'offrir aux usagers de drogues des traitements de substitution. En juin 1997, le nombre de patients bénéficiant d'un traitement par Subutex® se situait dans une fourchette de 32000 à 40000. Par ailleurs, à la même période, les centres méthadone accueillaient 5000 patients (contre 300 en 1994) tandis que 2000 étaient suivis en ville. Cependant, les recommandations concernant la possibilité de prescription de 28 jours de traitement méthadone (en centre et en ville), la possibilité d'une primo-inscription en médecine de ville, la nécessité d'une mise sur le marché de méthadone à 80 mg et la mise à l'étude de comprimés de méthadone et de buprénorphine non injectable, sont pour le moment restées sans suite.

La situation dans les prisons reste opaque vu le caractère très parcellaire des informations dont on dispose. Les recommandations en la matière demandaient que soit garantie à l'usager incarcéré la possibilité de pouvoir bénéficier des mêmes moyens de prévention et de traitement qu'en liberté, et que les traitements de substitution devaient être favorisés dans le respect de la confidentialité. Une circulaire de la DGS datée de décembre 96, permettant la dispensation de traitements de substitution, a permis l'amélioration du suivi des usagers incarcérés. Cela ne doit cependant pas masquer une situation sanitaire générale alarmante en matière de séropositivité, de surmortalité. La mise à disposition de matériel d'injection stérile reste un sujet tabou et la politique des pouvoirs publics contradictoire puisque la DGS dans la circulaire précitée permet aux détenus d'acheter de l'eau de javel diluée à 12 %.

Par ailleurs, sur le plan de la diffusion de l'information et de la formation des milieux médicaux, des travailleurs sociaux, des usagers et du grand public, le Tableau de bord enregistre des progrès considérables. Les groupes d'autosupport, les programmes d'education sanitaire par les pairs, les réseaux Ville-Hôpital, les nouveaux médias connaissent depuis deux ans un développement certain, manifestant le fait que le pays jusque-là le plus réfractaire aux politiques de réduction des risques est entré en mouvement.


(1) Les Actes de cette deuxième rencontre sont disponibles auprès du CRIPS PACA.

(2) Disponible sur demande auprès des CRIPS