Santé
Réduction des Risques
Usages de Drogues


Recherche dans SWAPS avec google
   

SWAPS nº 5

vers sommaire

Etat des lieux : Dossier Hépatite C

Soigner le VIH pour aggraver le VHC ?

par Gilles Pialoux

La prévalence des anticorps anti-VHC dans la population VIH + est de 4 à 8 % et varie considérablement selon le mode de transmission. Chez les hémophiles, la prévalence est de 60 à 85 %, et de 50 à 70 % chez les usagers de drogues intraveineuses. Cette fréquence élevée de co-infections rend compte des voies de transmission communes au VIH et au VHC.

L'influence des stratégies antirétrovirales à base d'antiprotéase est multiple :

1 - l'amélioration du statut immunitaire, et plus encore de la survie, peut mettre au premier plan les problèmes liés à l'hépatopathie VHC. Ne pas accéder à une prise en charge diagnostique et thérapeutique de l'infection VHC chez un patient VIH + stabilisé par une trithérapie peut s'apparenter à une "perte de chance";

2 - l'utilisation des antiprotéases se traduit non seulement par une restauration quantitative et qualitative de l'immunité CD4+ mais aussi par une hyperlymphocytose CD8. Le rôle de l'activité CTL spécifique (médiée par les cellules CD8 +), a été récemment précisé tant vis-à-vis de la baisse de lavirémie VHC que de l'augmentation de l'intensité de l'hépatopathie ;

3 - la toxicité hépatique des antiprotéases a été rapportée notamment avec l'association ritonavir + saquinavir chez les patients co-infectés par le VIH et le VHC.

Par ailleurs, la description de cas cliniques mettant en évidence une évolution rapidement fibrosante (après transplantation rénale) ou rapidement cirrhogène (après trithérapie anti-VIH) vient renforcer les doutes quant à l'utilisation des antiprotéases chez ces patients.

Plusieurs éléments de recherche clinique éclairent cette question :

L'infiltrat inflammatoire intra-hépatique dans l'hépatite chronique C est composé de CD8+ et de CD4+. L'activité de l'hépatite virale C est corrélée avec l'augmentation de l'expression des molécules HLA I et II, des molécules d'adhésion et des marqueurs d'apoptose. La réponse CD4 + dans le foie in vivo et in vitro contre différents Ag du VHC semble plus fréquente en cas d'évolution bénigne. L'analysis du répertoire des cellules CD4 infiltrant le foie a montré des sensibles différences avec le répertoire des cellules CD4 circulantes.

Qui plus est, on retrouve des précurseurs CTL spécifiques du VHC au niveau hépatique mais pas dans le sang périphérique.

Les patients ayant une activité CTL spécifique au niveau hépatique (CD8+ au niveau des lésions de peace meal necrosis) ont une virémie plus faible et une hépatite active.

Dans l'état actuel des connaissances, on peut supposer que lors de l'initiation d'un traitement anti-VIH comportant un inhibiteur de protéase, il y a exacerbation de la réponse immune, a fortiori de la réponse des lymphocytes T cytotoxiques dont on sait qu'elle joue un rôle important dans la physiopathogénie de l'hépatopathie VHC. Cela serait une situation quasi expérimentale de confrontation entre une réponse immune et le VHC.

Quelques indications

En pratique, il est possible de donner quelques indications :

1 - Les sérologies VHC et VHB doivent être réalisées chez tout patient VIH +;

2 - L'exploration d'une hépatite C (PCR VHC qualitative et si résultat positif : PBH) doit être conduite chez toute personne séropositive pour le VIH et ce indépendamment de la poursuite de l'usage de drogues ou du bilan immunitaire;

3 - Il est nécessaire d'évoquer la co-infection par le VHC en dépit d'une sérologie VHC négative chez les personnes infectées par le VIH dès lors que les transaminases sont élevées;

4 - Avant toute décision de traitement antirétroviral incluant un inhibiteur de protéase, il convient d' effectuer une Ponction Biopsie Hépatique chez les personnes co-infectées par le VIH et le VHC;

5 - Toute aggravation du bilan hépatique chez une personne co-infectée par le VIH et le VHC doit faire suspecter, outre l'hépato-toxicité directe du traitement antirétroviral, une aggravation de l'hépatopathie C.