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SWAPS nº 5

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Etat des lieux : Dossier Hépatite C

L'hépatite C dans les départements de médecine interne et de maladies infectives

par Gilles Raguin

L'infection par le virus de l'hépatite C est aujourd'hui un problème majeur de santé publique par l'importance de ses conséquences cliniques pour la population touchée, et financières pour le système de santé. Le nombre élevé de cas qui surviennent en l'absence de facteurs de risques reconnus, la propension du virus à causer une maladie hépatique infraclinique et l'efficacité limitée des thérapeutiques actuelles devraient être à l'origine d'un grand nombre de cirrhoses hépatiques dans le futur.

Les enquêtes épidémiologiques les plus récentes suggèrent que les hépatites C sont beaucoup plus fréquentes qu'on ne le pensait initialement (1). En France, 1,15 % de la population générale serait infectée (2,3,4). Une bonne connaissance de l'épidémiologie de cette infection devient indispensable pour définir les meilleures stratégies préventives et prévoir à moyen terme l'importance des besoins thérapeutiques.
Jusqu'à présent, l'ampleur et les caractéristiques de l'épidémie ont été essentiellement décrites dans et par les services d'hépatologie, les services d'hémodialyse et les centres de transfusion sanguine. Cette situation tend à sous-estimer la prévalence et les caractéristiques de cette infection chronique dans la population générale, et notamment dans la population consommatrice de drogues intraveineuses.
Nous avons donc mené en 1995 une enquête nationale dans les départements de médecine interne et de maladies infectieuses afin de préciser les caractéristiques de l'épidémie au sein d'une population où l'infection par le virus C est plus souvent découverte à l'occasion d'un bilan de santé de routine ou d'une autre pathologie (5).

Enquête nationale

Il s'agissait d'une enquête nationale, multicentrique, prospective, d'une durée d'un mois, recensant tous les patients séropositifs pour le virus de l'hépatite C, vus en hospitalisation ou en consultation, dans un service de médecine interne ou de maladies infectieuses français.
Le taux de réponse à notre enquête parmi les membres des deux sociétés de médecine interne et de maladies infectieuses fut de 30 %. 2002 patients ont ainsi été identifiés (sexe ratio M/F 1,5 âge moyen 42,5 - +9,6). 62 % des patients avaient entre 25 et 40 ans.
Géographiquement, 72 % d'entre eux ont été identifiés dans la région parisienne ou le sud de la France où l'on sait que l'épidémie prédomine en France. Un facteur de risque reconnu était retrouvé chez 83 % d'entre eux : usage de drogues intraveineuses (72 %), transfusion (23 %), transmission professionnelle (0,9 %), autres (3,2 %). Pour 10 % d'entre eux, le diagnostic d'infection par le virus C fut réalisé durant la période d'étude, soulignant ainsi le nombre élevé de cas encore non diagnostiqués. A la date du diagnostic, 47 % des 2002 patients ne présentaient ni symptômes ni anomalies biologiques. Une cirrhose était présente chez 7,4 %, des manifestations dysimmunitaires chez 5,7 % et un carcinome hépatocellulaire chez 0,85 %.
La co-infection avec le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) était fréquente (59 %). 22 % présentaient une co-infection avec le virus de l'hépatite B. Seulement 20 % des patients recevaient ou avaient reçu un traitement spécifique par interféron.

Dans les services de maladies infectieuses, le nombre de personnes co-infectées par le VIH était plus important que dans les services de médecine interne (89 % vs 45 %, p<10-9) ainsi que le nombre de contaminations attribuées à l'usage de drogues intraveineuses (81,5 % vs 56 %, p<10-9). La proportion de patients traités par interféron était plus faible (10 % vs 23,8 %, p<10-9).

En conclusion, cette étude montrait qu'un nombre tout à fait significatif de patients infectés par le VHC est suivi hors des circuits classiques hépatogastroenterologiques de prise en charge et que ce groupe de patients comprend notamment une forte proportion de patients co-infectés par le VIH et une prédominance nette de contaminations liées à l'usage de drogues intraveineuses. La proportion de patients traités par interféron était faible, sans que l'on puisse en préciser plus avant les raisons, la présence d'une co-infection par le VIH et de ses complications ou contre-indications intervenant vraisemblablement pour une forte part dans les décisions de non traitement.


1 - Heintges T., Wands J.R., Hepatitis C virus : Epidemiology and transmission. Hepatology, 1997 ; 26 : 521-526.

2 - Lefrere J.J. Epidemiologie descriptive de l'infection par le virus de l'hépatite C en France en 1996. Transfus. clin. Biol. 1997 ; 4 : 299-319.

3 - Desenclos J.C., Dubois F., Couturier E., Pillonel J., Roudot-Thoraval F., Guignard E. et coll. Estimation du nombre de sujets infectés par le VHC en France, 1994-1995. Bull. Epidemiol. Hebd. 1996 ; 5 : 22-23.

4 - Dubois F., Desenclos J.C., Mariotte N., Goudeau A. and the Study Group. Seroprévalence de l'infection par le virus de l'hépatite C dans un échantillon national d'assurés sociaux volontaires à un examen de santé de la sécurité sociale. Bull. Epidemiol. Hebd 1996 ; 5 : 17-18.

5 - Raguin G., Cacoub P., Veyssier P., Micoud M., Godeau P. and the Members of the GERMIVIC, Hepatitis C in France : A national survey in the departments of Internal Medicine and Infectious Diseases. Soumis pour publication.