Santé Réduction des Risques Usages de Drogues |
Les stages de sensibilisation aux dangers des substances psychoactives étaient l'une des mesures phares lancées en 2007. Alternative à la condamnation ou peine complémentaire, les usagers se voient ainsi proposer une formation, qu'ils doivent payer de leur poche. Plus d'un an après son lancement, cette mesure peine aujourd'hui à se mettre en place, même si elle est paradoxalement plutôt bien accueillie par les "stagiaires".
Les stages de sensibilisation aux dangers de lusage de produits stupéfiants étaient lune des mesures phares anti-drogues annoncées par Nicolas Sarkozy en mars 2007, lors de la campagne électorale. Le décret dapplication est paru en novembre de la même année, et le cahier des charges de la Mildt a suivi en février 2008.
Un stage payant
Le principe du stage est simple (cf. Swaps n° 50) : il sagit de provoquer "la prise de conscience des dommages sanitaires induits par la consommation et des incidences sociales dun tel comportement". Le but est donc de faire passer différents messages sur la santé, la loi, et sur limpact social de lusage de drogue. Concrètement, ces stages, dune durée de deux jours, sont prononcés en alternative aux poursuites ou comme peine principale chez les personnes interpellées pour des faits liés à la consommation de substances psychoactives. Lorganisation des cessions est confiée à des prestataires dont "lactivité est dassister ou daider les usagers de stupéfiants, tels que les associations de lutte contre la toxicomanie et le trafic de stupéfiants".Mais la grande nouveauté de ces stages, cest bien sûr quils soient a priori payants. Il sagit de responsabiliser les consommateurs en leur faisant payer cette formation, à linstar de ce quil se passe pour le permis à points. Concrètement, le dispositif prévoit de ne pas dépasser un maximum de 450 euros à la charge des personnes interpellées. Mais cest à chaque juridiction de définir le montant exact du stage (souvent aux alentours de 250 euros). Comme lexpliquait Etienne Apaire, président de la Mildt, au journal Le Monde1, "lidée, cest de cumuler sanction et transmission dinformations sur la dangerosité des drogues. Nous voulons stopper la consommation des usagers qui viennent de lentamer". Cet aspect financier a aussitôt soulevé les critiques de nombreux professionnels pour lesquels associer une amende à un discours de sensibilisation ne peut que rendre réfractaires les usagers au message délivré.
Une mise en place difficile
Depuis leur lancement, ces stages peinent à se mettre en place. A Paris par exemple, pourtant département pilote pour ce dispositif, seuls trois stages se sont déroulés en 2008 ! Certes, si le décret dapplication est paru en novembre 2007, les premiers stages nont pas été organisés immédiatement. Ainsi, il a fallu dabord pour la Mildt définir un cahier des charges afin dencadrer de manière précise la forme et le contenu. Puis il a fallu recruter dans les différents départements des associations à même dorganiser ces stages. Et, là encore, les difficultés furent importantes. Car de nombreux organismes ont refusé dintervenir dans lorganisation de ces stages, certaines par opposition politique, dautres pour ne pas mélanger leurs actions de prévention avec des actions clairement liées à la répression. Si à Paris par exemple, lAnpaa 75 a accepté de mettre en place ces stages, il a fallu dans de nombreux départements chercher des intervenants associatifs en dehors du monde de la prévention des drogues et toxicomanies.Autre frein à la mise en place des stages : la réticence de certains magistrats à prononcer cette peine. En effet, dans certains départements (notamment en région parisienne), ces stages ne sont pas très populaires, et cette sanction nest pas fréquemment prononcée. De plus, comme elle est souvent proposée comme une alternative aux poursuites, certains jeunes interpellés préfèrent passer devant le juge, espérant une sanction moins coûteuse.
Concrètement, les premiers stages ont ainsi débuté en mai 2008, et le gros du dispositif na réellement démarré quen septembre. Dailleurs la Mildt na prévu une première évaluation de ces stages quen juin 2009.
Des difficultés financières
Autre problème de taille : le financement. Si le fait de rendre ces stages payants est lun des points clés de ce dispositif il en constitue aussi, paradoxalement, la principale difficulté. A Paris, par exemple, le prix a été fixé à 250 euros par stagiaire. A raison dune dizaine de consommateurs par stage, cela devait effectivement payer lorganisation des deux jours de stage et la rémunération du formateur.Mais confronté au principe de réalité, le calcul tient difficilement la route. Car un grand nombre de consommateurs sont peu solvables, particulièrement sil sagit de ceux interpellés en train de consommer dans la rue, souvent plus précarisés. Résultat : la plupart des stagiaires ne paient pas tout ou partie de la somme demandée. Et la municipalité ou la préfecture doivent compléter le financement du dispositif. Un problème épineux, car aucune ligne budgétaire ne prévoit cette participation.
Un retour positif
Si la mise en place est difficile, et la forme très critiquée, les premiers stages organisés ont toutefois montré des aspects positifs, comme le souligne Julie Hemery, formatrice à lAnpaa 75 qui a déjà animé déjà deux stages sur Paris : "Au début, les consommateurs viennent bien sûr à reculons. Mais ils sont assez surpris de ce quils trouvent, qui ne correspond pas à ce quils attendaient. La première matinée est souvent très tendue. Et, au fur et à mesure du stage, ils se détendent. A la fin, ils sont même plutôt contents. Ils en arrivent à reconnaître que le stage est une forme de sanction intelligente !"Autre avantage paradoxal de ce stage, sa composition plutôt hétérogène, avec des personnes de tous âges et de différents milieux : "ce mélange permet une certaine richesse des échanges. Les stagiaires, peuvent voir quon ne consomme pas de la même façon et surtout pour les mêmes raisons", souligne Julie Hemery.
Certes, lanimatrice reste lucide sur le résultat de ces stages : "Bien sûr, on sait quils ne repartent pas avec lintention de ne pas consommer. On ne change pas les comportements en deux jours. Mais on a impulsé une réflexion sur la consommation et une prise de conscience sur certains risques. Ils se rendent compte daspects auxquels ils navaient pas pensé, notamment les risques sociaux et les problèmes de relations aux autres. Cest un moyen dévaluer sa propre consommation, de voir si lon gère vraiment aussi bien quon le prétend. Même sils continuent à prôner la dépénalisation, les consommateurs reconnaissent quils ont appris des choses, quils ont réfléchi."
Quel avenir pour les stages ?
Aujourdhui, il semble clair que les stages ne sont pas la mesure clé promise pour lutter contre lusage de drogues. Problèmes de financement, dorganisation... A moins dune action politique forte pour les relancer, le dispositif risque bien de rester anecdotique, voire de disparaître.Il semble en tout cas évident quune première mesure serait de rendre ces stages gratuits, comme le réclament plusieurs associations. Cela permettrait de les étendre à un plus grand nombre, et de toucher un public plus réceptif aux messages.
Mais, au delà de la refonte de ce dispositif, il est surtout évident que la priorité nest pas de multiplier les mesures répressives, mais bien dagir en amont, pour prévenir les consommations problématiques. Comme le soulignait Jean-Pierre Couteron, de lAnitea, lors des derniers EGUS, "les logiques politiques nont pas beaucoup évolué : cest toujours soin et punition. On ne cherche pas à modifier les pratiques sociales et du coup on passe à côté de la vraie prévention".
Peut-être faudrait-il mettre en place auprès des décideurs un stage de sensibilisation aux dangers du tout répressif en matière de drogues et toxicomanies...
1 Le Monde, 3 janvier 2008