Santé
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Usages de Drogues


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SWAPS nº 53

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Dossier précarité

L'expérience du squat de la "Petite Rockette"

par Nestor Hervé

Ouverte depuis trois ans dans les locaux d'un squat d'artistes, la mission squat de Médecins du monde accompagne des personnes aux vulnérabilités diverses, hors des dispositifs établis.

"La question de l’usage de drogues n’est pas spécifique aux personnes vivant ici. Elle concerne tout le monde. Le problème est celui de la désinsertion, précise d’emblée le Dr Frédérique Drogoul, référente médicale de la mission squat de Médecins du monde. Les usages ne sont pas liés au fait de vivre en squat mais aux problèmes rencontrés bien avant."

Installée depuis début 2006 dans les locaux du squat la Petite Rockette (www.lapetiterockette.com), situés dans le 11e arrondissement de Paris, la mission est unique en son genre : "l’arrivée de MdM s’est faite suite à une demande des squatteurs. C’est une expérience unique. Ailleurs, les intervenants se demandent comment rentrer dans les squats !", explique Frédérique Drogoul.

Roberto Bianco-Levrin, coordinateur de la mission, qui préfère parler "de vulnérabilité plus que de précarité", précise la "philosophie" de la mission : "De la réduction des risques liés aux drogues et sexuels, on élargit à la réduction des risques liés aux conditions de vie."

Concrètement, la mission assure une consultation hebdomadaire "plus socio-psy que médicale" et un "accueil" axé sur la réduction des risques. Elle joue aussi un rôle d’interface avec les dispositifs institutionnels sociaux et de santé en favorisant les offres d’accompagnement, d’orientation et d’accès aux droits socio-sanitaires.

Pour le coordinateur de la mission, "il ne s’agit pas tant d’aller vers les publics pour les ramener vers le dispositif de droit commun, que de faire avec eux, à partir de leur situation, en respectant une temporalité et des priorités singulières, en aidant à la constitution de zones d’apaisement, qui permettent ensuite d’être à leurs cotés pour faciliter et accompagner l’identification de leurs besoins et le renforcement de leurs compétences pour y répondre".

Les personnes vues à la consultation sont "extrêmement fragiles, avec de fortes réticences vis-à-vis de la psychiatrie, souvent dues à de mauvaises expériences antérieures, explique la référente médicale. Il s’agit de "détricoter" tout cela dans un lieu pour se reconstruire. Pour ces personnes marginalisées, il s’agit d’un réapprentissage".

Logique communautaire
"Il n’y a pas un public cible, continue Roberto Bianco-Levrin. Les personnes rencontrées sont très diverses par l’âge, le sexe, le vécu, les consommations et les produits."

La consultation est relayée par une présence dans la vie quotidienne portée par les personnes vivant dans le squat. De plus, des gens d’autres squats viennent aux consultations, notamment par le biais du réseau inter-squats. Car le travail effectué, s’il n’est pas "très quantifiable", comme le reconnaît Frédérique Drogoul, est mené dans une logique communautaire : "Le squat n’est pas uniquement une alternative à la rue. Il y a un vrai besoin de vivre en groupe dans des lieux solidaires, dans le cadre d’une lutte contre l’atomisation. Il s’agit de faire face au problème politique de l’exclusion, de faire émerger une réalité, de créer un espace pour s’auto-organiser."

"Le lieu est accepté, il s’est inscrit dans le quartier, assure Roberto Bianco-Levrin. 80% des personnes y venant viennent du quartier." Les locaux sont loués pour des activités, par exemple l’informatique avec des retraités du quartier, et les partenariats avec les professions de santé se multiplient : stages pour assistantes sociales ou dans le cadre d’un master en santé publique, recueil de données dans le champ sociologique avec l’université Paris-VIII...

Fonctionnant sur un mode d’habitat collectif pour artistes, le lieu appartient au ministère des Finances. Menacé un moment d’expulsion, il est en cours de cession à la mairie de Paris, qui a proposé au collectif de signer une convention d’occupation temporaire pour au moins 2 ans. En attendant, trois emplois ont été créés avec le soutien de l’ANPE. Tandis que les demandes d’hébergement sont en très forte augmentation depuis le début de l’année 2009...