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SWAPS nº 4

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Note de lecture

Médecine dure et toxicomanie

par Michel Gandilhon

Parmi les nombreux sujets traités dans le livre publié sous la direction de D. Touzeau et de C. Jacquot, LesTraitements de substitution pour les usagers de drogues(1), le lecteur trouvera un chapitre important de Fabien Cohen, coordinateur de la Mission bucco-dentaire du Conseil général du Val de Marne, sur odontologie et toxicomanie.
La pathologie de la cavité buccale est, en effet, très fréquente chez les toxicomanes. Celle-ci peut induire des dommages considérables pour la santé des usagers.

Pourtant, les toxicomanes sont exclus du système de soins dentaires. Cette situation tient à un certain nombre de facteurs qui vont de l'état de dépendance du toxicomane, le conduisant à négliger sa santé, à l'absence de couverture sociale, en passant par les réticences des chirurgiens-dentistes à prendre en charge des patients impécunieux ou peu persévérants, ou les deux à la fois.

En général, le premier contact entre l'usager et le praticien est l'expression d'une urgence provoquée par des douleurs intolérables et/ou un préjudice esthétique et ne participe donc pas d'une démarche volontaire et positive.

Ce premier contact, souvent difficile, est fondamental, nous dit Fabien Cohen, car il va conditionner les relations ultérieures. D'où la nécessité pour le chirurgien-dentiste d'établir une relation fondée sur la confiance. Cela implique " de considérer l'usager de drogues comme un patient à part entière, sans complaisance, ni jugement moral et sans tenter de jouer un rôle abusif de psychologue qui aboutirait à une rupture de la relation thérapeutique ". Autre considération importante, la prise en compte de l'histoire de l'usager, laquelle permettra de moduler le traitement de manière à l'adapter au sujet. On ne peut traiter, en effet, de la même manière un ex-usager en substitution qui s'inscrit complètement dans la démarche thérapeutique et un toxicomane venu consulter, poussé par la nécessité de mettre fin à une douleur intolérable.

Mécanismes de l'apparition des pathologies

Les désordres nutritionnels et immunologiques induits par le mode de vie de la majorité des usagers de drogues prennent une place importante dans les pathologies bucco-dentaires..

A ces facteurs s'ajoutent l'hyperglycémie engendrée par l'injection de substances comme l'héroïne et une consommation abusive d'aliments sucrés pour pallier le manque de drogues. Cet excès de sucre, dans un contexte de malnutrition, accentue le déficit en vitamines B1, lequel aggrave l'acidification du milieu buccal.

En outre, la diminution de la sécrétion salivaire observée chez les toxicomanes et l'acidification concomitante de la salive favorisent du fait de la détérioration de la plaque dentaire, l'apparition des caries, et ce indépendamment des prédispositions individuelles susceptibles d'accélerer le développement de celles-ci (cariosusceptibilité).

L'auteur souligne également l'importance des pathologies liés à l'apparition de problèmes gingivaux et osseux., qui non traités se transforment en parodontite. Cette maladie est provoquée par la destruction de l'os alvéolaire situé sous la gencive. La poche parodontale ainsi créee, entre l'os et la gencive, voit s'accumuler des bactéries accélérant la destruction des tissus.

Le terme du processus est marqué par la chute de la dent.

Outre ces pathologies, les altérations de la muqueuse buccale sont fréquentes, manifestation d'une mauvaise hygiène buccale, de carences nutritionnelles et de prescription antibiotiques nombreuses. Ces lésions se situent sur la face interne des joues, la langue, le palais à la commissure labiale. Aphtes, herpès et pigmentations de la langue sont aussi rencontrés.

L'auteur consacre aussi une partie importante du chapitre aux questions des contaminations VIH et hépatiques, détaillant tous les types de manifestation, infectieuses, tumorales susceptibles d'être rencontrés par le praticien ainsi que les traitements disponibles.

Travail en réseau

Au fil du chapitre, Fabien Cohen revient à plusieurs reprises sur la nécessité pour l'odontologiste de travailler, quand c'est possible, en réseau, afin de mieux connaître l'histoire de son patient, d'affiner son diagnostic et de concevoir un traitement adéquat. De plus, il est fondamental de pouvoir disposer de relais chez les travailleurs sociaux pour résoudre les problèmes liés à l'absence de couverture sociale. Le praticien peut jouer aussi un rôle actif en sensibilisant les patients à la prévention du sida et des hépatites, ainsi qu'en encourageant la pratique des sérodiagnostics. Pour l'auteur, " cette démarche ne peut se faire dans l'isolement et l'odontologiste doit être associé à l'équipe médicale qui prend en charge le patient. "


(1) D. Touzeau, C. Jacquot, Les Traitements de substitution pour les Usagers de Drogues, Pharmascopie soins et thérapies, Arnette, 1997.