Santé Réduction des Risques Usages de Drogues |
Le dossier que consacre Swaps aux interactions entre
produits de substitution et drogues illustre la complexité de
l'évaluation médicale des usages de drogues.
Avant tout, parce que l'on connaît peu ou pas, la composition
réelle des produits qui circulent. Et parce que l'on
connaît tout aussi mal les différentes interactions
entre produits de substitution, inhibiteurs de protéase et
autres molécules anti-VIH, interféron alpha (encas
d'hépatite C) et drogues faute d'études cliniques
spécifiques.
Grâce à une meilleure prise en charge globale de la
santé des usagers, développée ici et là,
le voile commence à se lever sur certaines de ces interactions
qui menacent à la fois le rapport aux drogues et les effets
attendus des médicaments. Comme l'illustre parfaitement
l'expérience préliminaire relatée par Patrick
Beauverie. D'autres questions se posent encore dès lors qu'il
existe à la fois de nouvelles pratiques addictives.
C'est dire si Swaps se devra de revenir sur ce dossier.
Côté passage en revue des interactions, le point de départ est l'histoire d'un certain Philippe K., patient VIH +, traité par une association de médicaments incluant un inhibiteur de protéase (le Ritonavir/Norvir®) et décédé après avoir pris de l'ecstasy. Une autopsie aurait montré " des taux inhabituellement élevés d'ecstasy dans le sang " alors qu'il n'avait pas pris plus de 2,5 comprimés. En recherchant dans la littérature médicale s'il est fait état de possibles interactions entre ces deux produits, on ne retrouve que des hypothèses. L'absence de données indiscutables tient à plusieurs raisons :
- les informations éventuellement disponibles se rapportent à la forme
pure de la drogue étudiée ;- les doses " issues " de la rue sont souvent inconnues ;
- l'usage de drogues par les participants à des essais thérapeutiques en
matière de VIH et d'hépatite C n'est, en France tout au moins, pas
contrôlé, et les usagers dépendants sont le plus souvent exclus de tels
essais cliniques.L'hypothèse la plus probable n'en demeure pas moins celle d'un possible métabolisme enzymatique spécifiquement inhibé par le Ritonavir® (le CYP 2D6 du cytochrome P450). Or cette cascade enzymatique est précisément utilisée par le MDMA pour son propre métabolisme. D'où la possibilité, non démontrée faute de volontaires et d'études cliniques, que le Ritonavir® multiplie les doses sanguines d'ecstasy chez certaines personnes par un facteur deux ou trois. Comme le tableau ci-contre le résume, il n'est pas impossible que l'interaction se fasse dans l'autre sens (baisse des taux sanguins d'ecstasy) pour ce qui est des autres antiprotéases (Saquinavir®, Indinavir®, Nelfinavir®). Quels conseils pratiques en découlent ? Le fait pour l'usager de dire au médecin prescripteur ses habitudes en matière d'usage de drogues afin que ce dernier puisse choisir le traitement le plus adapté.
Drogues |
Interactions possibles avec le Ritonavir |
Interactions possibles avec l'Indinavir, le Saquinavir ou le Nelfinavir |
Alcool |
On ne pense pas qu'il y ait d'interactions significatives. |
Peu probables, mais théoriquement possibles lors d'alcoolisme chronique. |
Amphétamine (speed) |
Augmentation de deux à trois fois des taux d'amphétamine. |
Théoriquement possibles. |
Nitrite d'amyle (poppers) |
Peu probable. |
Peu probable. |
Cannabis |
Aucune information disponible |
Interactions théoriques ; détails inconnus |
Cocaïne |
Peu probable. |
Peu probable. |
Ecstasy (MDMA) |
Augmentation de deux à trois fois des taux de MDMA. |
Théoriquement possibles. |
Héroïne (diamorphine) |
Réduction de 50 % au moins des taux d'héroïne. |
Inconnues. |
LSD (acide) |
Aucune information disponible. |
Interaction théorique ; détails inconnus. |
Côté méthadone et antiprotéase, l'ICAAC 1997 a apporté quelques informations importantes. Il apparaît dans une étude conduite par A.M. Taburet (Paris) que le métabolisme, et donc les effets de la méthadone, est inhibé à des degrés différents selon le type d'antiprotéase : forte inhibition pour le Ritonavir® aux doses habituellement prescrites ; plus faible pour le Saquinavir® et l'Indinavir®.
Difficile pourtant d'extrapoler ces données observées in vitro à la situation d'usagers prenant plusieurs médicaments et plusieurs drogues.
(1) AIDS Treatment Update n°51, mars 1997, repris en français dans Info-traitements de juillet dernier.