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SWAPS nº 35

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Politiques publiques

Fiat lex*

*Que la loi soit

par Agnès Sztal

Que la loi Evin soit appliquée, enfin, dans les établissements scolaires ! Telle est l'ambition des recommandations du rapport publié tout récemment par l'OFDT. Car les résultats de la toute première enquête d'évaluation de cette loi, menée auprès d'enseignants et d'élèves du premier et du second degré, laissent le lecteur sceptique. Peu d'établissements du secondaire sont actuellement en mesure de déclarer des dispositifs pleinement efficaces de protection des élèves et enseignants non-fumeurs.


Karsenty S, Diaz-Gomez C
"Le tabac en milieu scolaire.
Résultats de la première évaluation
de la loi Evin dans les écoles,
collèges et lycées (2002)"
OFDT, 2003, 164 p.


L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) publie un rapport d’étude consacré à la première évaluation de la loi Evin dans les écoles, collèges et lycées, effectuée en 2002.
Menée à la demande de l’enseignement privé et public relevant du ministère de l’Education nationale et de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies (Mildt), cette vaste enquête a permis, dix ans après l’entrée en vigueur de la loi Evin et de son décret d’application de mai 1992, de faire le point sur la mise en oeuvre du volet tabac du texte dans les établissements scolaires. Ayant pour objectif affiché la protection des non-fumeurs, la loi interdit de fumer dans les lieux publics et notamment les établissements scolaires sauf dans les emplacements explicitement réservés aux fumeurs ; le décret du 29 mai 1992 a, pour sa part, précisé les modalités de mise en place d’espaces fumeurs pour les mineurs de plus de 16 ans.
A partir d’un questionnaire, autoadministré et anonyme, portant sur les connaissances, les comportements de consommations (déclarés et observés en milieu scolaire) et les opinions des personnes interrogées sur la loi et les actions d’information, cette enquête atteint le double objectif d’identifier les pratiques et attitudes actuelles relatives au tabagisme dans les établissements scolaires, et de mesurer les efforts, réglementaires et éducatifs accomplis par l’institution pour l’application de la loi Evin.
L’enquête a recueilli les réponses de 600 responsables d’établissement, 1900 membres du personnel et 10500 collégiens et lycéens, recrutés par la méthode du sondage aléatoire stratifié permettant d’obtenir un échantillon représentatif de la communauté scolaire française. Les questions portaient sur les règles, les comportements, et les opinions. Les questionnaires destinés aux élèves s’intéressaient également à l’impact des actions d’information et de prévention. Les auteurs étudient séparément les réponses des adultes et celles des élèves.

Les adultes, le tabac et la loi dans les établissements scolaires
La loi est connue différemment par les responsables et personnels d’établissement selon le degré d’interdiction du tabagisme dans l’établissement : la loi est déclarée mieux connue par les responsables des lycées, que par les responsables des collèges, qui déclarent à leur tour mieux la connaître que les responsables des écoles élémentaires.
L’obligation d’une signalétique des espaces fumeurs et non-fumeurs est très minoritairement respectée (5% des écoles élémentaires, 25% des collèges et 38% des lycées).
Le choix de l’emplacement de l’espace fumeur est variable selon les établissements: accords entre les membres du personnel, "usages antérieurs", caractère aéré du lieu, plaintes des non-fumeurs.
L’existence même d’un tel espace, pourtant proposé par la loi, est également variable selon les types d’établissements : il existe dans 20% des écoles élémentaires, 77% dans les collèges et 65% dans les lycées.
Quant à la salle des professeurs, elle est parfois tolérante pour les fumeurs (6% de collèges et 14% de lycées), ou bien séparée en deux zones (47% des collèges et 35% des lycées). Selon les auteurs, la protection des non-fumeurs n’est pas assurée dans les deux tiers des établissements, dont 15% de collèges et 18% de lycées où la situation est instable ou imprécise.
Il semblerait que lorsque la zone fumeur existe, le nombre de personnes déclarant fumer sur le lieu de travail est plus important, et ce plus particulièrement lorsque l’espace fumeur est la salle des professeurs. Pourtant, un tiers des personnels déclare être gêné par la fumée des autres, l’intolérance à la fumée augmentant avec l’âge.
Le personnel fumeur régulier (environ 24% du personnel) déclarant fumer sur son lieu de travail est plus nombreux dans les collèges (60%), que dans les lycées (52%), et que dans les écoles élémentaires (28%) ; les personnels des collèges fument plus de cigarettes par jour. Les non-fumeurs sont plus nombreux dans les écoles élémentaires à déclarer une gêne de la fumée.
L’appréciation des responsables quant à la facilité d’application de la loi est fonction de l’autorisation à fumer concernant les élèves (de plus de 16 ans) : l’application est jugée facile (79%) dans les écoles et collèges, et difficile (62%) dans les lycées.
Les transgressions des adultes semblent plus fréquentes en collèges et lycées que dans les écoles élémentaires.
A de rares exceptions près, tous les personnels interrogés s’accordent sur le bien fondé de protection des non-fumeurs grâce à la loi Evin. Par ailleurs, les fumeurs adultes déclarent en majorité ne pas être gênés par la loi.
Cependant, et du fait de son caractère difficilement applicable, surtout dans les lycées, les personnels sont plus critiques quant à son efficacité. Il semblerait que le personnel des lycées soit gêné par la possibilité que les élèves fument.

Les élèves, le tabac et la loi dans les établissements scolaires
Les lycéens (52%) connaissent mieux que les collégiens (38%) l’existence de la loi.
Une zone réservée aux élèves fumeurs, quasi exclusivement située en extérieur dans la cour de récréation, existe dans 7% des collèges et 88% des lycées. Quelques espaces fumeurs intérieurs existent : moins de 0,5% dans les collèges et 4% dans les lycées (selon les déclarations des établissements). Il est intéressant de constater que seuls 40% des lycées déclarent l’existence de cette zone ; en réalité, une sous-déclaration est possible en raison du caractère illicite de telles zones. Collèges et lycées confondus, les établissements privés sont plus nombreux que les établissements publics à déclarer l’existence de cette zone.
Aucune signalétique n’existe dans les collèges ; elle existe dans 11% des lycées, soit un quart de ceux l’ayant officiellement déclarée. Dans 70% des collèges et 28% des lycées, la règle, peu respectée, est de ne pas fumer devant l’établissement.
Les données sur la consommation des répondants confirment les données épidémiologiques recueillies par d’autres enquêtes : il y a plus de fumeurs au lycée qu’au collège, les lycéens sont également plus nombreux à fumer quotidiennement ; l’écart entre fumeurs occasionnels et fumeurs quotidiens croît avec l’âge. De plus, les élèves dont au moins un des deux parents est fumeur sont plus souvent fumeurs réguliers. Chez les non-fumeurs, la tolérance à la fumée augmente avec l’âge.
Les collégiens fumeurs déclarent peu fumer à l’école ; contrairement aux lycéens, le lycée étant le deuxième endroit où l’on fume (avant le domicile).
Dans les collèges où il n’y a pas de zone fumeur, l’interdiction est relativement bien respectée ; quand il y a transgression, elle a lieu souvent, selon les déclarants, dans les toilettes ou hors de la vue des adultes. Ce n’est en revanche pas le cas au lycée : seuls 25% des établissements ne déclarent aucune transgression de la part des élèves. En cas de transgression identifiée par un adulte, le rappel à l’ordre est davantage appliqué en lycée qu’en collège, quoique les sanctions y soient plus rares.
Lorsqu’on informe les élèves sur la loi, et notamment sur son ambition de protéger les non-fumeurs, ils y sont dans leur grande majorité favorables. Les fumeurs, et notamment les plus jeunes, y sont toutefois nettement moins favorables que les non-fumeurs. Reste que la majorité des élèves interrogés pense que la loi n’atteint pas son objectif.
Dernière donnée : environ un quart des élèves se souvient "vaguement" qu’une action de lutte contre le tabagisme ait eu lieu à l’école.

Conclusions et recommandations
Les auteurs du rapport élaborent pour conclure une série de recommandations. Outre les dispositions techniques sur la définition des espaces fumeurs, leur signalisation ou leur ventilation, ils rappellent avec force que les collèges autorisant des espaces fumeurs sont dans l’illégalité, et que l’existence d’un espace fumeurs pour les élèves de lycée n’est pas une obligation mais une simple possibilité, encadrée en tout état de cause par un article du règlement intérieur qui en interdise notamment l’accès aux élèves de moins de 16 ans.