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Usages de Drogues



SWAPS nº 32/33

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Politique

Une association pour la légalisation du cannabis :
le CIRC

par Marie Jauffret-Roustide


L'usage de drogues est régi en France par la loi du 31 décembre 1970. Votée dans un contexte de répression suite aux événements de mai 1968, cette loi pénalise le trafic mais aussi l'usage de drogues sans faire de distinction entre les produits. Selon la loi, les usagers de cannabis sont donc traités de la même manière que des usagers d'héroïne ou de cocaïne. Cette loi prohibitionniste repose sur la conviction que l'interdit a un caractère structurant qui permettrait d'éloigner les plus jeunes de la consommation de substances psychoactives illicites. Inchangée depuis plus de trente ans, malgré l'évolution des comportements et des mentalités des Français vis-à-vis de l'usage de drogues et tout particulièrement du cannabis, cette loi est à l'origine d'un courant antiprohibitionniste. Ce courant s'insurge contre les fondements mêmes de cette loi qui serait contraireà l'article 4 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui stipule que "La liberté consiste à faire ce qui ne nuit pas à autrui" et à son article 5 ("La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société"). En effet, pour les tenants de l'antiprohibitionnisme, une loi ne peut pas condamner un comportement tel que l'usage de drogues qui ne serait nuisible qu'à celui qui consomme.

Libéralisation, dépénalisation, légalisation

Plusieurs variantes de l'antiprohibitionnisme existent : la libéralisation qui propose de ne pas changer la loi sur le fond, mais de faire en sorte que les sanctions pénales ne soient plus appliquées; la dépénalisation qui consisterait à supprimer les sanctions pénales liées à l'usage, la consommation de drogues n'étant alors plus réprimée tandis que l'approvisionnement et le trafic resteraient interdits ; et la légalisation qui reviendrait à autoriser la distribution de drogues, avec des variantes comme la légalisation contrôlée impliquant un contrôle de la distribution par l'Etat. A ces différents paliers s'ajoute une autre variable, celle des produits. Pour certains, l'arrêt des sanctions pénales doit être restreint au cannabis, pour d'autres, il doit être élargi à l'ensemble des produits psychoactifs illicites.
Le refus du prohibitionnisme vis-à-vis du cannabis réapparaît régulièrement lors des échéances électorales, porté par certains mouvements politiques, tels que le parti des Verts ou la Ligue des droits de l'homme. Mais plus rares sont les groupements qui se sont constitués plus spécifiquement autour de cette revendication, car ils sont passibles de l'article L. 630 (devenu l'article L. 3421-4) qui menace de sanctions pénales toute personne ou groupe "présentant les drogues sous un jour favorable". En France, un des mouvements antiprohibitionnistes les plus emblématique est le Centre d'information et de recherche cannabique (CIRC), créé en 1991 par Jean-Pierre Galland, Kshoo et quelques autres dans le contexte du mouvement de rébellion des années 80, autour du cannabis 1, des squats et du rock alternatif et du mouvement anarchiste. Le CIRC se présente comme une association ayant pour vocation de"collecter et diffuser toute information juridique, scientifique, culturelle, liée à l'usage du cannabis".

Actions délibérément provocatrices

Le CIRC compte plusieurs milliers d'adhérents, mais rares sont ceux qui sont prêts à afficher leur usage. La fédération des CIRC compte des groupes locaux à Paris, Lyon et dans les régions Centre, Bretagne, PACA, Midi-Pyrénées, Languedoc et dans le Nord-Est.
La manifestation du "18 Joint" regroupe 2000 personnes, sans qu'il y ait de communication visant à rameuter les foules. Au-delà des actions de lobbying autour de la légalisation, les combats du CIRC s'élargissent à la remise en cause de la double peine ou au soutien d'usagers incarcérés. Le CIRC est l'objet de l'attention des médias à l'occasion d'actions délibérément provocatrices comme l'"Appel du 18 Joint" (initié par Libération en 1976, repris par le CIRC à partir de 1994 et renouvelé chaque année), la réquisition d'un TGV Paris-Lyon transformé en "Cannabistrot"2 en 1995, ou encore l'envoi de 577 joints aux députés en 1997. Ces manifestations, la plupart du temps interdites, tiennent à être non violentes, en conformité avec l'image que souhaite promouvoir le CIRC, une des consignes données aux participants étant d'ailleurs de se disperser au moindre signe de provocation policière. Des actions moins spectaculaires consistent à dénoncer l'emprisonnement de citoyens pour simple usage de cannabis comme Jérôme Expuesto, condamné pour trafic après avoir reconnu effectuer des achats partagés destinés à la consommation d'un groupe d'amis. D'autres actions plus festives peuvent être organisées, comme la journée "Sortez-les du placard" en 2002 avec débats et concerts pour récolter des fonds pour des prisonniers dans le cadre de la demande d'"Amnistie aux prisonniers du cannabis", manifestation au cours de laquelle de l'herbe était distribuée aux participants ; et la réalisation de CD tels que Petite musique de chanvre ou Tolérance double zéro. Certaines de ces actions concernent directement le CIRC, d'autres peuvent être organisées autour de Jean-Pierre Galland pour lui permettre de payer les amendes qu'il doit à la justice. La publication d'ouvrages sur le chanvre comme les ouvrages de Jean-Pierre Galland tels que Fumée clandestine contribuent à diffuser la pensée du groupe, même si les actions du CIRC et de Jean-Pierre Galland sont théoriquement indépendantes.
Le CIRC dispose du soutien politique des Verts et en 1999, Jean-Pierre Galland s'est présenté sur leur liste aux élections européennes. Mais le CIRC tient à son indépendance et ne dispose donc d'aucun financement extérieur. C'est l'argent des adhésions et les dons effectués par les militants qui permettent à l'association de fonctionner, une indépendance financière qui est le prix à payer de la liberté même si elle reste contraignante dans la gestion du quotidien. Indépendance d'autant plus chère à payer que les responsables de l'association sont régulièrement condamnés en leur nom propre à payer des amendes au titre du L. 3421-4, amendes qui sont remboursées grâce aux fonds des militants. Depuis 1995, le CIRC est l'objet de condamnations régulières : interdiction du serveur Minitel qui fonctionnait depuis deux ans, saisie des journaux, perquisition du journal, arrestation des dirigeants... Ces condamnations pour incitation se cristallisent principalement autour de Jean-Pierre Galland, condamné à plusieurs reprises à de lourdes amendes pour l'envoi de joints aux députés ou pour la diffusion de brochures du CIRC, même si de nombreux autres militants ont pu être condamnés. En cas d'impossibilité à payer ces amendes, il risque d'être condamné à la prison ferme pour incitation à l'usage de cannabis.


1 - D'autres regroupements peuvent être cités comme
Auto-support des usagers de drogues (Asud).,
le Collectif pour l'abrogation de la loi de 1970 (CAL 70),
la Coordination radicale anti-prohibitionniste (CORA),
le Mouvement pour la légalisation Contrôlée (MLC)
ou des associations réclamant la possibilité de consommer du cannabis à des fins thérapeutiques.

2 - Le "Cannabistrot" serait un lieu où il serait possible de fumer du cannabis tout en bénéficiant d'informations sur le produit.