Santé
Réduction des Risques
Usages de Drogues


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SWAPS nº 32/33

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Terrain

Une "consultation cannabis" à Marseille

par Marie Jauffret-Roustide

 

A Marseille, l' Association méditerranéenne de prévention et de traitement des addictions (AMPTA) est l'un des piliers de la prise en charge des usagers de drogues. Dans les années 1980, cette association s'est d'abord positionnée dans le champ de l'accueil, du soin et de l'orientation psychosocio-éducative avec la création d'une consultation spécialisée pour toxicomanes. Elle a ensuite mis en place, en 1993, le premier dispositif de réduction des risques à bas-seuil d'exigence, la "Boutique" Transit.
Habituée à prendre en charge des usagers de produits psychoactifs dits "durs" (héroïne, cocaïne), l'AMPTA s'est intéressée récemment aux adolescents consommateurs de cannabis. L'intérêt pour cette population d'usagers est né d'un constat posé par des professionnels habitués à recevoir des sujets depuis longtemps lourdement dépendants : "Pourquoi attendre que les usagers de drogues viennent demander de l'aide après une trajectoire de dix années de toxicomanie ? Comment prendre en charge de jeunes usagers démarrant leur usage sans les mêler à une population plus âgée, plus initiée qui pourrait exercer un effet de fascination sur les plus jeunes ?"... Mais aussi : "Comment accueillir les familles de ces jeunes gens sans qu'elles soient confrontées avec notre public habituel qui peut, parfois, être "inquiétant" ?"

C'est à partir de ces interrogations qu'en 2002, l'AMPTA décide d'ouvrir une consultation d'accueil spécifique pour les usagers de cannabis "et autres drogues" qui propose tous les mercredis après-midi des accueils individuels, familiaux ou collectifs, à un public usager de cannabis âgé de 14 à 22 ans.
Entre janvier et novembre 2003, 80 personnes ont été reçues, dont 40 parents et 40 adolescents, majoritairement des garçons.
Lorsque les jeunes arrivent au centre, la première demande vient le plus souvent de leur entourage familial ou éducatif car lors de la première consultation, les jeunes affirment le plus souvent que leur usage ne constitue pas un problème pour eux. En première intention, un suivi est proposé sur 3 ou 4 séances afin de proposer un cadre et d'initier un dialogue entre l'adolescent et le ou les professionnels qui l'accueillent. Parfois, le travail s'arrête là. Pour d'autres jeunes, le suivi se poursuit à leur demande. En effet, si le cannabis est une porte d'entrée, il révèle souvent des traumatismes et des blessures familiales ou relationnelles que l'adolescent déclare soulager par la consommation de cannabis. La rencontre avec un "soignant" peut l'amener à demander une aide qui prend la forme d'un soutien psychologique.
L'équipe de l'AMPTA peut également jouer un rôle de médiateur entre l'adolescent et sa famille, car la consultation accueille souvent des familles désemparées face à la crise d'adolescence de leurs enfants. L'usage de cannabis constitue alors un prétexte qui permet aussi de parler en famille d'autres choses, d'absentéisme scolaire, de petite délinquance, d'absence de dialogue au sein de la famille depuis des années.
L'originalité de ce dispositif est de créer une passerelle entre la prévention et le soin.

Les équipes de prévention de l'AMPTA se rendaient depuis longtemps dans les établissements scolaires et ne parvenaient pas à proposer de réponse à des collégiens ou des lycéens qui leur demandaient où s'adresser en cas d'usage problématique de cannabis. Aujourd'hui, ces équipes peuvent proposer ce créneau d'accueil à ces jeunes vus dans le cadre d'actions de prévention et poursuivre une action ponctuelle de prévention, soit dans le cadre de suivis individuels, soit dans le cadre d'actions plus collectives autour d'outils multimédia et d'un dialogue avec des intervenants spécialisés en toxicomanie.
Si la consultation est aujourd'hui centrée sur le cannabis, elle permet également de parler d'autres consommations comme l'ecstasy ou l'alcool, l'idée étant non pas de se focaliser sur le produit, mais d'intervenir plus tôt sur des consommations précoces afin d'éviter le passage d'un usage occasionnel ou abusif à la dépendance. La consultation se propose ainsi de répondre à différents problèmes générés par des usages abusifs et problématiques, pour les jeunes, mais aussi pour leurs parents.